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THEATRE
C'EST MIEUX A DEUX
Auteur : René NOMMER
Pièce en 2 actes*
Durée :~90 minutes
Quatre hommes
Cinq femmes
Site web www.theatrarire.fr
SCENARIO
Michelle Dariole, comédienne, a mal vécu son divorce avec Philippe et lui en veut particulièrement. Elle a hérité d'une agence matrimoniale qu'elle a rebaptisé « C'est Mieux à
Deux » ( CMD ). Elle veut y attirer son ex Philippe pour se venger ou peut-être le reconquérir.
Avec la complicité de son amie, Ariane, elle va tout faire pour l'attirer à l'agence tout en lui réservant une surprise de taille.
Annabella, technicienne de surface met son grain de sel pour conseiller les clients.
De Neuville, veut à tout prix le bonheur de son ami Philippe,mais sans oublier ses intérêts.
Ariane fait office de secrétaire.
La scène s'ouvre sur un bureau, avec des chaises, des affiches au mur représentant homme et femme main dans la main, des peintures fleuries etc, un bar, trois portes, entrée, bureau et cabinet.
L'agence démarre très fort avec des clients parfois farfelus et bizarres.
Personnages
MICHELLE : Désabusée, veut se venger de son ex-mari Philippe.
ARIANE : Amie de longue date embauchée comme secrétaire.
ANNABELLA : Technicienne de surface d'origine portugaise, poursuit des études d'infirmière. A un accent prononcé qu 'elle exagère à dessein.
BERNIER Janine: Candidate au mariage, timide, va se dévergonder à la fin.
CADOT Charles : Candidat cherche une femme docile et un peu vénale.
FROISSARD Odile : Candidate déterminée à trouver coûte que coûte.
TROUILLOT Albert : Candidat qui réessaye après une expérience négative.
DE NEUVILLE Roger: Il veut sauver son ami de la déprime et l'inscrit à l'agence. S'inscrit aussi après avoir flashé sur Ariane.
DARIOLE Philippe: Ex-mari de Michelle, il revient pour refaire sa vie. A du mal a oublier son ex-femme.
Acte 1
On sonne c'est Ariane. Michelle lui ouvre et elles s'embrassent chaleureusement.
MICHELLE – Bonjour Nana, je suis très heureuse de te revoir, tu n'as pas changée, toujours aussi rayonnante !
ARIANE - Toi non plus, Mimi laisse-moi te regarder, çà fait un bail, deux ans, qu'est-ce que tu deviens ? Comment va le mariage ?
MICHELLE – Raté, le salaud m'a larguée, il y a plus d'un an !
ARIANE - Tu es donc libre comme l'air !
MICHELLE – Si on veut. Comme tu m'as dit au téléphone que tu ne travaillais pas, j' ai une place pour toi.
ARIANE - Chouette, j'ai des compétences multiples. Tu travailles dans cette agence ?
MICHELLE – Je l'ai hérité de ma tante Margot, je vais essayer d'en tirer quelque chose.
ARIANE - Super, on va marier des gens, ça m’excite, tu en as déjà marié ?
MICHELLE – Je débute ce matin, j'ai mis des annonces un peu partout, tiens regarde cette affiche, elle fait classe hein !
ARIANE - C'est Mieux à Deux, ouah ! CMD construit votre bonheur, j'espère que ça va marcher.
MICHELLE – Moi aussi, j'espère que mon ex va se pointer pour trouver chaussure à son pied et je lui réserverai un accueil j' te dis pas !
ARIANE -Ton ex-mari ? Il va y avoir du grabuge ! Je l'ai vu une fois et en photo.
MICHELLE - Tu n'es pas venu au mariage, tu ne le connais pas hein! Un vrai macho, il m'a foutu dehors comme une malpropre, sous prétexte que je le trompais.
ARIANE – Avec qui?
MICHELLE – Tu ne devineras jamais, avec ma prof de gym !
ARIANE – Elle est bonne celle-là. Et c'est vrai ?
MICHELLE - Pas du tout, c'est lui qui m'a cocufié avec une blondasse.
ARIANE - Une blondasse ? C'est de l'histoire ancienne, tu es divorcée maintenant.
MICHELLE – De l'histoire ancienne ? Pas du tout, je veux lui faire payer au centuple.
ARIANE – Je vais te dire, Mimi, ton plan est pourri, ton ex ne viendra jamais dans ton agence.
MICHELLE - Et moi je te dis que si, il faut un peu de patience.
ARIANE – J'ai vu ton annonce dans le journal, c'est ridiculement riquiqui: Trouver l'âme sœur, ne restez plus seul, l'agence "C'est Mieux à Deux" s'occupe de tout.
MICHELLE - Riquiqui? T'as vu le prix des annonces ? Je ne tiens pas à avoir des dizaines de clients, il n'y en a qu'un qui m'intéresse. Et j' ai mis un prospectus dans sa boîte aux lettres.
ARIANE - Tu fais quoi avec les autres clients?
MICHELLE - Ma tante qui m'a confiée la gérance a bien spécifié que je devais recevoir tous ses anciens clients. Il parait qu'il y en a qui viennent depuis des années. Quand il y en a un qui
arrive, il remplit le formulaire, tu lui demandes un acompte et tu lui dis qu'on le rappellera.
ARIANE - Pourquoi ne le fais-tu pas toi-même?
MICHELLE - Je suis censé être la patronne, j'interviens en cas de problème,!
ARIANE – Tu m'en fais une drôle de patronne. Je marche avec toi à une condition, si un beau mec se pointe, je lui mets le grappin dessus. Il est temps que je me case.
MICHELLE – Bof ! Si tu veux. En principe il n'y a que des vieux.
ARIANE – Faut voir le nombre de zéros après la virgule, pour le reste...
MICHELLE – Tu te vendrais pour du pognon à un vieux grincheux, avare peut-être ou grabataire? Laisse-moi rigoler !
ARIANE – Tu t'es bien fait avoir par un jeune sans fric.
MICHELLE – Bien fait pour ma gueule. C'est pour cela que je me venge. Par contre si notre affaire marche, on se fera du blé en mariant
des gens qui divorceront ensuite, c'est cool non ?
ARIANE – Pas d'accord, j'aime quand les gens sont heureux.
MICHELLE - Je le croyais aussi, mais j'ai donné. (Coup de sonnette.)
MICHELLE - Ouah! déjà un client, il n'est pas même dix heures, allez, je te laisse, on fait comme j'ai dit.
Elle se sauve et Ariane fait entrer madame Bernier qui a l'air timide et réservée.
BERNIER - Bonjour, je suis bien à l'agence C'est Mieux à Deux? Je ne dérange pas?
ARIANE - Pas du tout madame, bonjour, vous êtes bien à l'agence CMD C'est Mieux à Deux. Je vous en prie asseyez vous, mettez-vous à l'aise. Je peux vous offrir un café?
BERNIER ( gêné ) - Non merci, vous voyez, je n'ai pas l'habitude de ce genre de démarche, c'est la première fois.
ARIANE ( qui du coup est rassurée.) - Je comprends, ce n'est pas simple. Alors,vous recherchez un homme bien sûr ?
BERNIER - Oui, pas une femme, je suis veuve depuis cinq ans et je me sens seule.
ARIANE - Cinq ans? C'est long en effet, vous recherchez donc l'âme sœur?
BERNIER - Un homme qui saura me protéger et partager mes loisirs.
ARIANE ( surprise ) - Vos loisirs ? Je vous demanderai de remplir ce formulaire pour pouvoir cibler votre recherche.
BERNIER - Vous pouvez m'aider, toute seule je n'y arriverai pas.
ARIANE - Bien sûr, vous écrivez votre nom, adresse, profession, loisirs préférés.
BERNIER - J'aime bien tricoter.
ARIANE – Tricoter ? Je ne crois pas que ce loisir intéresse les hommes, sauf s'ils ont besoin d'un pull. Vous en avez d'autres, courir, nager?
BERNIER - Courir sûrement pas, j'ai un pied un peu bot et j'ai peur de l'eau.
ARIANE - Ah! Vous aimez peut-être voyager, faire la cuisine, les hommes aiment être choyés.
BERNIER - J'ai peur de l'avion, j'ai le mal de mer et je ne me sens pas très bien en voiture!
ARIANE (ébahie ) - Et, et la cuisine?
BERNIER - Ce n'est pas pour me vanter, je me débrouille très bien avec la goulasch. Pour le reste ma mère me disait toujours, comment fais-tu pour brûler la glace!
ARIANE - Ah oui! Je vois, ça fait beaucoup! Vous aimez quand même aller au restaurant?
BERNIER - Je trouve que c'est bête de dépenser son argent dans ces endroits là!
ARIANE - Je comprends. En réfléchissant bien, il y a quand même une chose qui vous plaît, ou que vous aimez faire sans parler du tricot.
BERNIER - Je ne vois pas, ah si ! Regarder la télé, je pleure quand il y a des drames. Il y a une chose que j'aime, un péché mignon, en regardant la télé, je mange du pop-corn, c'est un
loisir hein!
ARIANE - Ah ! Tout de même, voyons, vous n'avez qu'à marquer que vous êtes ouverte à toutes les expériences!
BERNIER - C'est quoi? Toutes les expériences?
ARIANE – Oh ! C'est une formule toute faite et passe partout. Vous avez une petite idée sur l'homme qui vous plairait? Sa taille, son âge, couleur de cheveux par exemple?
BERNIER - Ah! parce qu'on peut choisir tout cela?
ARIANE - Choisir? Bien sûr, autant se faire plaisir!
BERNIER- Dans ce cas, il ne devra pas avoir plus de cinquante ans, les cheveux blonds ou châtains, pas trop grand, pas trop petit. Ah! J'oubliais, une bonne situation, non fumeur, je ne supporte
pas la fumée, non buveur bien sûr et pas vantard.
ARIANE - Très bien, vous savez ce que vous voulez, vous supporterez quand même un petit défaut?
BERNIER - Quoi par exemple?
ARIANE - Je ne sais pas, un petit truc, il se gratte la tête, il va voir ses copains de temps en temps.
BERNIER - Qu'il se gratte la tête ça passe, mais pas le nez.
ARIANE - Très bien, nous avons fait le tour de la question, nous allons étudier votre cas et vous soumettre des candidats correspondants à vos vœux.
BERNIER ( toute heureuse ) - Merci, je suis soulagée, je ne savais pas que c'était aussi facile. Ah! J'oubliais, s'il pouvait avoir les yeux bleus, tant qu'à faire, autant en profiter.
ARIANE - N'est ce pas? On va faire notre possible.
BERNIER - Je le verrai quand? L'homme de mes rêves?
ARIANE - Dès que nous aurons mis la main dessus ce qui ne saurait tarder. Nous demandons un acompte de cent euros pour pouvoir entamer les recherches.
BERNIER - Cent euros? Ce n'est pas donné, j'espère que ça en vaut la peine.
ARIANE - Faites-nous confiance, CMD tient toujours ses engagements.
BERNIER - Je suis toute impatiente de connaître mon homme. ( Elle signe le chèque souffle dessus et le tend à Ariane.) Tous mes espoirs reposent sur vous!
ARIANE ( La raccompagne à la porte ) - Au revoir, merci pour votre confiance.La porte fermée elle saute de joie, elle appelle) Michelle, Michelle ! Tu as entendu comme j'ai
manipulé notre première cliente et cent euros dans la caisse, ça démarre fort.
MICHELLE - Bravo j'ai tout entendu, tu as manœuvré comme une pro. Je me demande comment tu vas faire pour tenir tes promesses?
ARIANE (éberlué )- Mes promesses?
MICHELLE - Tu lui a promis l' homme parfait, tu vas le trouver où? Cet homme parfait n'existe pas.
ARIANE ( vexé ) - Je te signale que c'est ton agence matrimoniale et c'est toi qui va trouver cet homme. Quand à la dame Bernier elle va être obligée de mettre beaucoup d'eau dans son vin, sinon
pas de mec.
MICHELLE -C'était pour rire ! On trouvera bien !
ARIANE - C'est toi qui voit, il faut dire que cette dame cumule les handicaps, elle n'aime rien, elle ne sait rien faire. ( Coup de sonnette. ) Non! encore un client, je rêve!
MICHELLE - Je vais te laisser, tu te débrouilles fort bien!
ARIANE ( l'attrape par le bras ) - Hep ! Pas du tout! Viens ici ma grande, c'est à toi de faire tes preuves, moi je vais faire pipi! ( Elle sort.)
MICHELLE - Ce n'est pas ce qui était...,( on sonne.) Il faut que je me lance. ( Elle ouvre la porte, c'est un homme, entre deux âges, avec un chapeau . ) Bonjour monsieur, je vous en prie entrez
donc.
L'homme s'avance regarde à droite et à gauche d'un air fouineur. Il a une voix nasillarde.
CADOT - Bonjour, je suis bien à l'agence « C'est Mieux à Deux »?
MICHELLE - Parfaitement, je vous en prie prenez un siège.
CADOT ( Il s'approche de Michelle et la détaille des pieds à la tête. Comme il a des lunettes de myope il s'approche très près.) J'aime bien savoir à qui j'ai affaire.
MICHELLE ( surprise ) - Très bien ! Monsieur?
CADOT - Cadot, comme le cadeau avec une nuance, ot à la fin.
MICHELLE - Ah! Monsieur Cadot! CMD est heureux de vous recevoir, je peux vous offrir un café?
CADOT - Merci madame, avec plaisir. Alors comme ça vous êtes spécialiste en accouplement?
MICHELLE – Pardon ?
CADOT – Ben ! Vous permettez aux hommes et femmes de se rencontrer, ce n'est pas pour enfiler des perles, c'est pour s'envoyer en l'air.
.MICHELLE (stupéfaite ) - Et bien ! Vous n'y allez pas par quatre chemins, il n'y a pas que cela !
CADOT – C'est quand même l'occupation principale !
MICHELLE – Si vous le dites. Notre but c'est de trouver le partenaire idéal pour nos clients.
CADOT - Vous prenez combien?
MICHELLE - Vous êtes direct monsieur, le droit d'entrée, cent euros.
CADOT - On peut dire que c'est correct, dans une autre boîte on m'en demandait trois cents.
MICHELLE - Et vous n'avez pas trouvé votre partenaire?
CADOT - C'était tout du défraîchi, réchauffé, des rombières, vous voyez ce que je veux dire!
MICHELLE - Hum! Elles ne correspondaient pas à vos attentes?
CADOT - Pas une de potable, surtout pour la gaudriole, ce sont celles que toutes les agences se refilent.
MICHELLE - Ah! C'est quoi votre idéal?
CADOT - Mon idéal? Une nana comme vous par exemple! Vous êtes libre?
MICHELLE ( étonnée ) - Euh! Non, monsieur, par contre je peux vous faire rencontrer des femmes qui pourraient vous convenir.
CADOT - A la bonne heure, elles sont où?
MICHELLE - Je vous demanderai de remplir ce formulaire pour qu'on puisse cerner vos préférences. ( Elle lui tend le formulaire. )
CADOT - Pour moi c'est tout simple, elle doit avoir au maximum quarante balais, blonde ou brune on s'en fout, l'important c'est qu'elle sache se tenir à sa place et pas rétive à la
bagatelle.
MICHELLE - Qu'attendez-vous comme autres qualités de sa part?
CADOT - Pas une voyageuse, il y en a qui voudrait être tout le temps en vacances, pas trop de restos, çà fait grossir.
MICHELLE - Une sportive peut-être?
CADOT – Ca dépend du sport. Vous voyez ce que je veux dire ?
MICHELLE - Je vois, une petite femme douce et...., gaillarde, prête pour les polissonneries.
CADOT - C'est exactement ce qu'il me faut.
MICHELLE - Je crois avoir une candidate qui pourrait faire votre bonheur.
CADOT - Alors là, je demande à voir. Ah! J'oubliais, pas une dépensière qui court les magasins du matin au soir.
MICHELLE - Elle peut quand même avoir un ou deux petits défauts?
CADOT - Pas trop, de gentils petits défauts, chouchouter son seigneur et maître, s'habiller sexy, vous voyez ?
MICHELLE – Ah ! Je vois ! Elle devra quand même fréquenter des magasins pour s'acheter les vêtements adéquats, un peu fripons, qu'en pensez-vous ?
CADOT - Ah ! Là, je suis d'accord.
MICHELLE – Tant mieux, terminez votre formulaire et signez.
CADOT - Je n'ai pas mis grand-chose.
MICHELLE - Vous n'avez pas mis en avant vos qualités morales ou physiques.
CADOT - Je suis modeste, sans me vanter, ouvert, sympathique et viril ? Presque parfait quoi.
MICHELLE - Je vois. Vos yeux ont quelle couleur? ( Elle le regard de près ) Gris bleu je crois.
CADOT - ( se rapproche très près ) Je pensais gris vert. Mes yeux vous plaisent?
MICHELLE - Mon regard était strictement professionnel. Gris bleu ira très bien. Inscrivez aussi que vous êtes ouvert à un tas de nouvelles expériences.
CADOT - Et çà veut dire quoi?
MICHELLE – Vu vos prétentions, cela ouvre un champ très large qui ne vous engage à rien.
CADOT - Je la verrai quand, cette perle?
MICHELLE - Plus vite que vous ne le pensez, CMD se plie en quatre pour satisfaire ses clients. N'oubliez pas le chèque, il est indispensable pour qu'on puisse lancer les recherches.
CADOT - Ah oui! ( Il signe un chèque et le tend à Michelle.) Voilà, vous pouvez me dire si cette dame vous ressemble un peu?
MICHELLE - Vous le verrez quand elle vous sera présentée, c'est une surprise!
CADOT - Ah! Si çà pouvait être vrai! Vous êtes sûre que vous n'êtes pas libre? Vous avez flashé sur mes yeux.
MICHELLE - Tout à fait sûre, au revoir, nous vous contacterons très bientôt.
CADOT - Au revoir, madame. ( Il sort. )
MICHELLE - Tu peux venir Ariane, la voie est libre. ( Elle entre.)
ARIANE ( hilare ) - Tu t'es fait draguer par ce vieux barbon lubrique, j'y crois pas, t'avais ta chance!
MICHELLE - Tu rêves ou quoi! Un peu sadique sur les bords et t'as vu la tronche? J'ai déjà donné. Est-ce que tu as eu la même idée que moi?
ARIANE - Je te vois venir, la Bernier et le Cadot, qui n'est pas un cadeau! C'est son nom hein! Ils feraient un beau couple!
MICHELLE - Tout à fait, elle qui n'a aucun loisir et lui radin pour tout, ils devraient s'entendre. Sans avoir l'air d'y toucher, elle aime peut-être la bagatelle !
ARIANE – Elle a intérêt ! On va les mettre ensemble et à nous le pognon, tu leur demandes combien?
MICHELLE – J'ai pensé cinq cents euros. Je les appelle et je leur fixe rendez-vous demain à dix heures pour la Bernier et dix heures dix pour le Cadot.
ARIANE - Pourquoi pas ensemble?
MICHELLE - Réfléchis une minute, ils se voient ensemble sur le pas de la porte, ils se plaisent et ils décident d'aller boire un verre et se passer de nous, ce Cadot est un malin.
ARIANE - Tu es une fine mouche, tu ne fais confiance à personne. Dis quand même à la Bernier qu'elle ne s'habille pas trop austère, on aurait dit une nonne.
MICHELLE – Je lui dirais. Je leur téléphone ce soir et leur donne rendez-vous demain matin. On va fêter notre première, je t'invite.
Entre Annabella, la fille portugaise qui nettoie le bureau. Elle a un accent .
ANNABELLA - Ah! Vous chètes encore lach ? Il est chis heures dich!
MICHELLE - Bonjour Annabella, on a pris du retard, nous partons tout de suite. Je te présente ma secrétaire Ariane.
ANNABELLA - Bènjour, appelech-moi Bella. Vouch avez les moyenchs de vous payer oune secrétairche, votre tènte faisait touch elle-même.
MICHELLE - Les temps changent. Vous avez connu des clients de ma tante?
ANNABELLA - Bèn chûr, ils venaiench à n'importé quelle heure, même le choir.
MICHELLE - Ah bon! Tout ceci va changer, plus de rendez-vous après six heures.
ANNABELLA - Ils n'avaiench pas de rendez-vous, ils venaiench churtout pour m'empêcherr de faire mon travail.
MICHELLE - N'acceptez plus personne, dites leur de téléphoner on y va, bonsoir. ( Elles sortent. )
ANNABELLA - Dommach, ch'aimais bien entendré les problèmes des genss, ils écoutaiench parfois mon aviss, ch'en ai bien mariéch quatre ou cinch. ( Elle commence le nettoyage en fredonnant quand on
sonne. ) Et ch'est repartich, jamais tranquillé!
Elle ouvre et entre Madame Froissard, une cliente de la tante.
FROISSARD - Bonjour Bella, l'agence a changé de nom? Moi j'aimais bien Rencontres. « C'est Mieux à Deux », un peu ringard? Madame Contier n'est pas là?
ANNABELLA - Bènjour, madame Contierrch n'est plus làch.
FROISSARD - Comment cela?
ANNABELLA - Elle a venduch son affairch à sa fèlleule Mèchille.
FROISSARD - Elle ne m'en a pas parlé.
ANNABELLA - C'est venuch d'un coup. Qu'esch qué vous amène?
FROISSARD - Je ne devrais pas vous le dire, j'ai pris une décision ferme et définitive, il me faut un homme.
ANNABELLA - Ch'est toujours lé même histoire, vous voulech toutes la même choss et quand on vouch en présente uné, il ne faich jamais l'affairche!
FROISSARD - Le prochain sera le bon. Cette Michelle est valable, elle a beaucoup de clients?
ANNABELLA - Elle a l'airch sérieuch.
Elle passe derrière le bureau et feuillette le dossier clients. Froissard veut aussi regarder mais Bella l'en empêche.
ANNABELLA -Pas toucherr c'est confédenchiel. Voyons voirch, oun tout récent, les chyeux bleuchs, dans la chinquantaine, ouverch à de nouvelles expérienches, voilàch ce qu'èl vous
faudraich.
FROISSARD - Je reviens demain, je dirai à madame Michelle, que c'est celui-là que je veux!
ANNABELLA - Vous perdech la tête, c'est une coup à me faire foutré dehorschs, che veux bien vous aiderr, mais motuch et bouche cousur.
FROISSARD - Je fais quoi alors?
ANNABELLA - Vous dites que vous vouler une homme aux chyeux bleuchss, dans la chinquantaine, ouverch à de nouvelles expérienches, çha va marcher.
FROISSARD - Alors je me pointe demain?
ANNABELLA – Tut tut ! Pas chè vète, d'abord, téléphonerr pour prendrech rendez-vouss chinon ça ne marcherr pas.
FROISSARD ( embrasse Bella ) - Merci pour le coup de main. Au plaisir, je t'inviterai au mariage.( Elle sort. )
ANNABELLA - J'echpère que chette fois elle che décidera aller jusqu'au boutt, ch'est le troisième essaich. Et moich, je perds mon temps, putzen, putzen, t'ech trop bonne ma vèeille!
UN NOIR
Le lendemain matin. Ariane est assise au bureau, on sonne.
ARIANE - Elle est à l'heure la petite dame. ( Elle va ouvrir.) Entrez madame Bernier, vous êtes pile à l'heure.
Bernier a changée de tenue, elle est habillée assez court avec un décolleté.
BERNIER - Bonjour, je suis toute excitée, je n'aurais ratée ce rendez-vous pour rien au monde. Alors, vous avez trouvé mon âme sœur ?
ARIANE ( ton confident ) - On a trouvé une perle rare, à vous de l'apprivoiser. Félicitations pour votre tenue, vous allez plaire.
BERNIER – Merci ! Comment je dois faire, pour l'apprivoiser, je n'ai pas d'expérience!
ARIANE - C'est tout simple, vous restez naturelle, vous souriez, vous êtes d'accord avec lui, restez vous-même. Petite confidence, ce monsieur a les yeux bleus.
BERNIER - Ouah! Je suis toute intimidée. ( On sonne. )
ARIANE - C'est lui, venez avec moi, ma collègue va l'accueillir et je vous présenterai ensuite.
Elles sortent, Michelle entre et va ouvrir.
MICHELLE - Bonjour monsieur, entrez, vous êtes attendu.
CADOT – Ah ! Je dois reconnaître que je suis impatient, j'espère ne pas être déçu.
MICHELLE - Vous verrez par vous-même. Je vous recommande d'être très gentil, cette dame est un peu timide, il ne faudrait pas l'effrayer. Elle aime les yeux bleus. Alors mettez les en
valeur.
CADOT ( s'approche de Michelle et lui fait une œillade enflammée) - Comme çà?
MICHELLE - Doucement, vous aurez le temps de lui déclarer votre flamme plus tard. (téléphone ) Excusez-moi, allô, oui bonjour, Madame Froissard, vous étiez cliente de Madame Contier, pour un
rendez-vous, oui, mettons demain dix heures, comment, un homme, bien sûr, la cinquantaine, yeux bleus, ouvert à de nouvelles expériences, c'est ça, nous trouverons, à demain. ( Elle raccroche. )
Bon, revenons à nos moutons.
CADOT - J'ai écouté sans écouter, sa description était mon portrait tout craché.
MICHELLE - Ah bon! Voilà le programme. J'ai développé une technique qui marche très fort, plein de succès, vous restez assis là, on éteint, la dame entre, elle s'assoit et on remet la
lumière. Vous la saluez et vous engagez la conversation. Quand vous avez fini vous sonnez et j'entre pour voir la suite. Vous avez tout saisi ?
CADOT - C'est un peu curieux comme système, on va essayer.
MICHELLE - Vous êtes prêt? J'éteins.
Elle sort et Ariane amène Bernier dans le noir et la fait asseoir sur une chaise. Elle et Cadot se font face. La lumière revient les deux s'observent, elle timidement et lui curieusement.
Au bout d'un moment Cadot se décide.
CADOT - Bonjour madame, enchanté.
BERNIER - Bonjour monsieur.
CADOT - Je suppose qu'on vous a parlé de moi?
BERNIER - Oui monsieur.
CADOT - Et je corresponds à la description?
BERNIER - Un peu, vous avez les yeux gris vert.
CADOT - C'est important?
BERNIER - Oui et non.
CADOT ( se rapproche et enlève ses lunettes et lui fait une œillade incendiaire ) - Mes yeux changent à la lumière.
BERNIER (impressionnée ) - Ah! Vraiment?
CADOT - On me l' a souvent dit. Au fait mon prénom c'est Charles.
BERNIER - Ah! Très bien, moi c'est Janine. Que pensez-vous de moi?
CADOT - Vous correspondez à la description et votre tenue super comment dirais-je, pleine de promesses.
BERNIER - Ah! Je suis contente! Vous aimez le pop-corn?
CADOT - Le pop-corn?
BERNIER - J'aime manger du pop-corn en regardant la télé.
CADOT - Le pop-corn ne me dérange pas, ce n'est pas cher! Vous aimez courir les magasins?
BERNIER - Pas vraiment, juste ce qu'il faut! Il faut quand même se mettre en valeur.
Elle se lève et fait tourner sa robe.
CADOT ( se lèche les babines ) - Je crois qu'on va s'entendre. Et les voyages, vous aimez çà?
BERNIER - J'ai peur de l'avion, j'ai le mal de mer et même en voiture, il n'y a qu'au lit que je suis bien.
CADOT ( se frotte les mains ) - Très bien, très bien, je veux dire quel dommage!
BERNIER - Pourquoi quel dommage?
CADOT - On voyagera le moins possible! J'adore aussi le lit.
BERNIER - Vous aimez le champagne?
CADOT - Non, ça me donne des aigreurs d'estomac. Et vous vous le supportez?
BERNIER - Pas du tout, je préfère le cidre, c'est moins cher.
CADOT (en aparté ) - C'est une perle.
BERNIER - Vous disiez?
CADOT - Euh! C'est curieux, nous avons les mêmes goûts.
BERNIER - Vous aimez la goulasch?
CADOT - Ah! Un plat exotique?
BERNIER - C'est hongrois, ma spécialité.
CADOT - Ca doit être onéreux?
BERNIER - Pas du tout. En tout cas moins cher que le restaurant.
CADOT - Et bien ! Nous pourrions continuer cette conversation autour d'un verre de cidre?
BERNIER - Quelle bonne idée, je suis partante, Charles.
CADOT - Moi aussi Janine. Je sonne la responsable. ( Il agite la sonnette. Michelle entre. )
MICHELLE - Alors, vous avez fait connaissance? Que pensez-vous du système CMD?
CADOT - Madame, c'est parfait, nous avons des points communs, le lit par exemple, votre système est astucieux.
MICHELLE - Et vous, Madame?
BERNIER - Je suis très contente, nous avons fait très profondément connaissance.
MICHELLE - Profondément?
BERNIER - Je veux dire à fond. Je voudrais aussi remercier votre collègue.
MICHELLE - Je lui ferai la commission. Venons-en aux choses pratiques, avez-vous prévu de continuer l'expérience?
BERNIER – Oh oui ! Je suis partante et vous Charles?
CADOT - Cela me ferait très plaisir.
MICHELLE - A la bonne heure, je vous souhaite plein de bons moments. Il reste à régler la petite note, cinq cents euros.
CADOT - Pour les deux?
MICHELLE - Bien entendu. Je crois que vous êtes gagnants, c'est une promotion.
BERNIER - C'est la première fois que je paye avec plaisir.
Elle fait un chèque et Charles aussi.
CADOT - Moi aussi, je vous remercie madame, ce fut parfait.
MICHELLE ( les raccompagne à la porte ) - Au plaisir, soyez heureux. ( Ils sortent, Ariane entre. ) Tu as vu, ils sont sur un nuage, qu'ils en profitent, la lune de miel passera vite.
ARIANE - Ne sois pas rabat-joie, cette agence est une mine d'or, tu as eu une idée de génie.
MICHELLE - Ce sera génial si elle peut m'aider à accomplir ma vengeance.
ARIANE - Tu devrais oublier tout cela, regarde devant toi!
MICHELLE - Tu as facile toi, tu n'as pas été berné, dupé, volé et....,
ARIANE – Mon œil, je crois que tu en pinces encore pour ton ex et que tu veux le revoir pour le reconquérir.
MICHELLE – Tu es folle, jamais de la vie, je le hais....( On sonne ) Tiens c'est reparti, c'est ton tour, je m'éclipse.
Elle sort, Ariane ouvre, se présente un homme bien mis assez distingué, encore jeune.
ARIANE - Bonjour monsieur, je vous en prie, entrez donc.
NEUVILLE - Bonjour madame, De Neuville Roger. Je suis bien à « C'est Mieux a Deux »?
ARIANE - Parfaitement, CMD est à votre service.Que pouvons nous faire pour vous?
NEUVILLE - Ah! CMD les initiales, je ne m'attendais pas à trouver une personne aussi charmante. Je voyais plutôt une personne réservée, avec un chignon, très sérieuse.
ARIANE - Je vous remercie, je puis vous assurer que je suis très sérieuse.
NEUVILLE - Je n'en doute pas. Je viens vous consulter pour un de mes amis qui a vécu un divorce douloureux et qui craint de vivre une nouvelle déception.
ARIANE - Votre ami n'a pas eu de chance!
NEUVILLE - Il était tombé sur une fille très bien au début, au bout d'un an elle l'a trompé sans façon, ce fut horrible.
ARIANE - C'est toujours terrible dans ces cas-là. Que voulez-vous savoir?
NEUVILLE - Je viens vérifier, je m'en excuse, le sérieux de votre maison? Avez-vous des résultats?
ARIANE – Ne vous excusez pas, nous avons de très bons résultats, tout à l'heure encore, nous avons fait un couple qui est parti très heureux, main dans la main.
NEUVILLE - Vous garantissez les résultats?
ARIANE - Mon Dieu! Nous garantissons une bonne fin.
NEUVILLE - Vous étudiez les caractères pour voir si affinités?
ARIANE - Bien entendu, nous mettons un point d' honneur à satisfaire nos clients.
NEUVILLE - Vous procédez de quelle manière?
ARIANE - Nous cernons la personnalité des candidats et après une étude approfondie, nous leur proposons des personnes qui leur correspondent.
NEUVILLE - Mon ami est très méfiant, pourriez-vous me montrer votre manière de faire?
ARIANE - Bien entendu, voilà un questionnaire. Vous répondez aux questions et le tour est joué. Voyons voir, vos nom, adresse, profession, âge, loisirs, qualités et ensuite l'image que vous vous
faites de la personne rêvée.
NEUVILLE - Rêvée?
ARIANE - Bien sûr, autant se faire plaisir.
NEUVILLE - Donc, je commence par les loisirs, j'aime le foot, la danse, les voyages, la bonne chère, ça ira?
ARIANE - Très bien, vous êtes un bon vivant, vous avez peut-être un petit défaut?
NEUVILLE - Et bien, je ne sais pas si je dois le dire, j'aime fumer un cigare après un bon repas.
ARIANE - Et bien voilà, c'est parfait. Dans notre base de données nous trouverons facilement une personne qui corresponde à votre personnalité. Alors la femme dont vous rêvez?
NEUVILLE ( regarde Ariane et la décrit ) - Blonde, des yeux verts, assez grande, souriante, aimant les activités diverses, supportant le cigare.
ARIANE - Beaucoup de femmes aiment le cigare, pas le tabac froid. Vous n'êtes pas marié?
NEUVILLE - Moi? Pas du tout, je n'ai pas eu le temps jusqu’à présent, je vais y penser un de ces jours.
ARIANE - Pourquoi pas tout de suite, vous avez fait le premier pas, c'est le plus important!
NEUVILLE - Vous savez vendre votre produit, vous avez le sens du commerce.
ARIANE – Pour nous c'est une vocation, nous voulons rendre les gens heureux.
NEUVILLE - La priorité est pour mon ami Philippe qui déprime un max.
ARIANE - Gagnez du temps et facilitez lui la tâche. Remplissez déjà sa fiche, vous le connaissez sûrement très bien, ce sera plus facile pour lui.
NEUVILLE - On peut faire cela?
ARIANE - Bien sûr, voilà le formulaire, vous connaissez la procédure.
NEUVILLE - En plus je connais mon ami comme ma poche. Ses loisirs, comme moi, danse, musique, la bonne chère, le foot, il est comme un frère, un peu pantouflard peut-être. J'oubliais le nom,
Dariole Philippe.
ARIANE ( stupéfaite )- Ah!
NEUVILLE -Vous le connaissez?
ARIANE - Euh! Pas du tout, je vois que vous le connaissez par cœur. Et ses goûts en matière de femme?
NEUVILLE - Il m'a dit, en aucun cas une blonde. Il préférerait une brune assez grande et qui soit fidèle.
ARIANE - Bien sûr, je le comprends, mettez donc qu'il est ouvert à toutes les expériences.
NEUVILLE - C'est un champ très large, toutes les expériences?
ARIANE - C'est la formule habituelle.
NEUVILLE - OK, je vais essayer de vous l'envoyer. Et pour moi, je vais peut-être me décider, si vous me trouvez une candidate parfaite.
ARIANE - Tout est relatif, zéro défaut n'existe pas.
NEUVILLE - Enfin, elle peut avoir un ou deux petits défauts.
ARIANE - Les droits d'inscription sont de deux cents euros.
NEUVILLE - Ah! Et pour deux vous faites un prix?
ARIANE - Un prix de gros? Ce n'est pas simple, il faut que j'en réfère à ma direction.
NEUVILLE - C'était une blague, je paye pour mon ami avec, cela l'obligera à venir.
ARIANE - Bonne idée, vous pouvez faire un chèque global.
NEUVILLE ( s'exécute ) - Voilà, vous m'avez impressionné. En venant ici je n'avais pas du tout l'intention de m'inscrire moi-même. Je suis très content et pour la peine je vous inviterais bien à
boire un verre.
ARIANE - Nous avons interdiction de rencontrer les clients en dehors du travail, je vous remercie quand même pour votre invitation.
NEUVILLE (riant ) - Je me plaindrai à la direction. Bon, je dois y aller pour convaincre quelqu'un.
ARIANE - Vous y arriverez, au revoir monsieur. Une petite question, comment avez-vous eu notre adresse?
NEUVILLE - C'est tout bête. Suite à un pari avec mon ami, je lui ai dit que je lui trouverai une nouvelle compagne dans les huit jours, j'ai pointé mon pouce sur le journal et je suis tombé sur
votre annonce. C'est une sacrée veine! Qu'en pensez-vous?
ARIANE - En effet, incroyable, monsieur, je vous dis à bientôt.
NEUVILLE - Madame, mes hommages, j'aurai plaisir à vous revoir.
Il sort, Michelle entre en trombe.
MICHELLE - J'ai tout entendu, Dariole, mon ex, je vais pouvoir me venger. Je vais concocter une vengeance de derrière les haricots dont il se souviendra.
ARIANE - Pourquoi n'as-tu pas changé de nom, c'est ennuyeux!
MICHELLE - Il aurait bien voulu, je l'ai gardé exprès pour l'embêter.
ARIANE - Comment vas-tu faire?
MICHELLE - J'ai ma petite idée pour le séduire et après je le laisse tomber comme une vieille chaussette.
ARIANE - Il veut une brune assez grande et fidèle.
MICHELLE - J'ai tout entendu, on verra bien. Comme tu as manœuvré ce Neuville, je le connais bien, c'est un macho. Ce n'était pas nécessaire de lui proposer nos services, ça va tout
compliquer.
ARIANE - Il faut penser à notre chiffre d'affaires, quatre cents euros ce n'est pas négligeable et lui au moins il de la classe.
MICHELLE – Tu as doublé les droits d'entrée.
ARIANE – De Neuville, çà sent le pognon, faut en profiter.
MICHELLE –J'ai vu aussi qu'il t'a tapé dans l'œil et il t'a kiffé, j'ai tout entendu.
ARIANE - Il est plutôt mignon, j'aurais bien accepté son invitation.
MICHELLE - Méfie-toi, je le connais, c'est un dragueur.
ARIANE - Il a dit qu'il ne pensait pas au mariage, il a été franc. Tu as vu comme je l'ai retourné, il est tombé dans nos filets.
MICHELLE - Dans ton filet, il va vouloir t'embobiner. En attendant, pensons au boulot et surtout à ma vengeance.
ARIANE - Parlons-en de ta vengeance, tu vas perdre ton temps et tu n'assouviras rien du tout.
MICHELLE - C'est mon affaire.
ARIANE – Il faut d'abord qu'il rappelle et rien n'est moins sûr. En ce qui concerne Neuville je suis sûre qu'il va revenir pour ma pomme.
MICHELLE - Tu peux toujours rêver, il ne vient que pour une chose, te mettre dans son lit. Il est l'heure de partir, Bella va arriver, laissons lui la place.
ARIANE – Ce que tu es rabat-joie. Je ne la sens pas cette Bella, j'ai vu que les fiches étaient dérangées ce matin, elle ne fouillerait pas par hasard dans nos affaires?
MICHELLE -Elle a du les déplacer pour épousseter, ne vois pas le mal partout!
ARIANE - Et c'est toi qui me dit ça! Bon, allons-y.
Elles sortent et croisent Bella qui rentre.
ANABELLA - Bonne choirée mesdames. ( Elle ferme la porte et s'installe derrière le bureau.) Elles chont à l'heuré. Voyonch voir che qu'elles ont faich aujourd'huich. Deux nouvellés fiches et
deuch chommes, ça marché les affairrrs, che vais demanderrr une augmentachion. Allerr, au boulot, putzen, putzen, comme me disaich ma grand-mèré qui a travaillé en Allemagne, ( elle fait la
poussière en sifflotant, quand on sonne. ) Le contrairé m'auraich étonnérr, pas moyen de travaillerrr tranquillé, c'hest qui l'emmerdeurch? ( Elle ouvre. ) Tiens monsieurrr Trouillocht, quel bonn
vent vous amèné?
TROUILLOT - Bonjour Bella, on revient toujours à ses premières amours.
ANABELLA - Pourtanch vous aviez trouvéch l'âmé chsœur, comment s'appelait-elle déjàch?
TROUILLOT - Jeannette, ne m'en parlez plus, les huit premiers jours un vrai bonheur et après ça s'est gâté.
ANABELLA - Racontech-moi çha.
TROUILLOT - Un soir je rentre, elle n'était pas toute seule, une autre dame, sa grand-mère qu'elle disait, qui venait pour quelques jours. Bon prince, j'ai accepté. Trois jours après, nouvelle
visite, une sœur qu'elle disait aussi pour quelques jours. Et ça a continué ainsi, au bout de trois semaines j'avais sept personnes à la maison, tantes, oncles et même maris des sœurs, un
vrai capharnaüm, je n'étais plus chez moi.
ANABELLA - Et alorch?
TROUILLOT - J'ai surpris ma chère Jeannette en train de se lécher avec le prétendu mari de sa sœur, en fait c'était son amant.
ANABELLA - Quelle histoirche, ch'est mieux qué dans Les Feuch de l'amoro, et vous avez faich quoi?
TROUILLOT - J’ai foutu tout ce beau monde dehors, malgré les protestations d'amour de
Jeannette et me revoilà tout seul.
ANABELLA - Prêt à recommencherrr?
TROUILLOT - Bien sûr, madame Contier n'est pas là?
ANABELLA - Elle n'est plouch là, elle a chédé son affairé à sa filleule et l'agenche s'appelle Ch'est Mieux à Deux.
TROUILLOT - Elle est sérieuse la nouvelle, on peut la voir?
ANABELLA - Elle est très occupéch, il faut téléphonerrr et prendre rendez-vouch.
TROUILLOT - Il y a beaucoup de candidates?
ANABELLA ( fouille dans les fiches ) - Voyons voirch, une damé ah! Voilàch, la chinquantainé, timidé, réservéch, elle se aimé la télévichion, et ch'est drôlé çha, ouverté à toutech sortech
d'expérienches. Il y en a qui cachérr bien leur cheu.
TROUILLOT (alléché et un peu égrillard. ) – Toutes sortes d'expériences, ça va être génial. Il y a une photo?
ANABELLA - Oui! Io ne peuch vous la montréerr, ch'est confidenchiel!
TROUILLOT - Je comprends. Pour moi ancien client, vous pouvez me faire une faveur.
ANABELLA - Pas possiblé!
TROUILLOT ( sort son portefeuille ) - Avec un billet de dix euros peut-être!
ANABELLA – Euh ! Dix euross !
TROUILLOT – Mettons vingt et n'en parlons plus !
ANABELLA - Là! Vouch me prenerr par les chentimenchts.
Elle saisit le billet et lui montre la photo de Bernier.
TROUILLOT - Pas mal, je prends rendez-vous, et je demande à la voir, comment elle s'appelle encore?
ANABELLA- Churtout pas, vous dités qué vous aimeriechz rencontrerrr une damé ouverte à toutés les expérienches, vous tomberech sur elle. Je risqué ma placé chinon, moi, ch'est justé pour
rendre chervicé.
TROUILLOT - Je vous remercie, je vous inviterai au mariage, Bella, promis juré. Au revoir. ( Il sort.)
ANABELLA- Ch'est chela au revoir, il m'avait promich de m'inviterr la dernièré fois et ch'attenchs toujouchs, moralitéch, il vaut mieux tenirch que couriré, ( En secouant le billet de dix
euros. ) Allez, ch'est pas tout ça, il faut putzen, putzen comme disairr ma grand-mèré.
UN NOIR.
Le lendemain, Ariane est installée et attend la clientèle. On sonne c'est Cadot.
ARIANE ( étonnée ) - Bonjour, monsieur Cadot, vous n'avez pas rendez-vous, il y a un problème?
CADOT ( mine triste )- Ah! Ne m'en parlez, pas je suis déçu, vous ne pouvez savoir!
ARIANE - Comment ça? Hier vous aviez l'air aux anges.
CADOT - Hier c'était hier. Figurez-vous que ça a très bien commencé, on est parti boire un verre, mangé une crêpe, elle m'a invité chez elle et m'a servi une goulasch.
ARIANE – C'est un très bon début !
CADOT – Attendez, j'arrive au pop-corn.
ARIANE – Au pop-corn ?
CADOT - On a regardé la télé et là, j'ai voulu l'embrasser, elle m'a repoussé en me disant que ce n'était pas le moment, ça l'empêchait de voir le film.
ARIANE – Vous avez peut-être été trop rapide ?
CADOT – Pas du tout, elle avait à côté d'elle un seau de pop-corn. Vous n'avez jamais été assise à côté d'un mangeur de pop-corn ? ( Cadot mime la scène. ) Elle s'en enfilait des poignées et en même temps participait au film la bouche pleine avec des remarques, embrasse-le, c'est un salaud, tu vas te faire avoir, j' te l'avais bien dit et j'en passe. Le film terminé, elle me dit, j'espère que tu t'es bien amusé, mais je n'embrasse pas le premier soir. Dégoûté, j'ai prétexté un mal de tête et je me suis tiré avec l'intention de ne plus la revoir. Cette femme est un cauchemar pop-corn.
ARIANE - Evidemment trop de pop-corn nuit à l'amour. Et vous désirez quoi maintenant?
CADOT - Dame! J'y ai laissé quand même trois cent cinquante euros, alors si vous pouvez me les rendre.
ARIANE - Malheureusement ce n'est pas possible, vous connaissez le règlement. Par contre, CMD ne vous laisse pas tomber, je vais vous proposer d'autres candidates, je suis sûr que vous trouverez chaussure à votre pied.
CADOT - Sans pop-corn ! J'ai développé une allergie.
ARIANE - Je vous comprends, je dois voir une autre cliente, peut-être qu'elle vous conviendra.
( On sonne.) Quand on parle du loup, installez-vous dans cette salle, je n'en ai pas pour longtemps.
Cadot sort et Ariane fait entrer Mme Froissard.
ARIANE - Bonjour madame, je vous en prie, entrez donc.
FROISSARD - Bonjour, j'étais cliente chez Madame Contier, ça n'a pas marché.
ARIANE - Ce n'est pas une raison que ça ne marche pas chez nous. CMD a développé une méthode particulière qui a un grand succès.
FROISSARD - Je demande à voir, je n'ai que deux vœux, les yeux bleus, et ouvert à toutes les expériences.
ARIANE – Ouvert à toutes les...., très bien, remplissez cette fiche, en mettant aussi vos passe-temps, je reviens tout de suite.
Elle laisse Mme Froissard et va rejoindre Cadot. Mme Froissard remplit la fiche et pense tout haut.
FROISSARD - Voyons voir je mets quoi, j'aime l'avion, le bateau, les soirées, le bal. Hum! c'est peut-être de trop, il ne faut pas l'effrayer, soyons modeste, je ne mets rien, je suis
ouverte à toutes les expériences voilà! Cette fois, il faut que ça marche.
Retour d'Ariane. Cadot veut rencontrer la dame tout de suite.
ARIANE - Alors cette fiche, très bien, ah! Ouverte à toutes les expériences, ça n'engage à rien. Vous voulez donc faire un essai, les frais d'ouverture sont de cent euros.
FROISSARD - Madame Contier ne prenait rien.
ARIANE - Nous avons franchi un palier, nous garantissons une bonne fin et ça entraîne des frais.
FROISSARD - Je comprends, voilà cent euros.
ARIANE - Merci, j'ai une grande surprise pour vous. Si vous voulez, je peux vous présenter tout de suite un candidat qui pourrait vous convenir.
FROISSARD ( stupéfaite ) - Là! tout de suite?
ARIANE - Bien sûr, tout de suite.
FROISSARD - Avec madame Contier il fallait attendre des semaines. Comment vous faites, vous les gardez au frais, au congélo?
ARIANE - Congelé? Vous êtes drôle. CMD a des petits secrets que nous ne divulguons pas. Alors d'accord?
FROISSARD - Ah oui! j'espère que ce n'est pas un esquimau?
ARIANE – Vous avez l'humour du pôle Nord? Pas d'inquiétude, je vous explique. J'éteins la lumière, vous ne bougez pas, le candidat va rentrer, on rallume et vous pourrez vous adresser à lui,
poser des questions. Quand vous avez terminé, vous sonnez et je reviens vous voir. C'est clair?
FROISSARD - Je suis impressionnée et impatiente, faites entrer mon futur.
ARIANE - Très bien.
Elle éteint la lampe et va chercher Cadot.
FROISSARD ( Claque des dents ) – Brrr ! Moi qui a peur du noir, j'espère que ce n'est pas un revenant.
Ariane rentre avec Cadot et le fait asseoir et sort sans un mot. Les deux ne bougent pas tout d'abord et ensuite Cadot essaye de saisir la main de Froissard, mais il lui touche la figure.
Cette dernière se lève et pousse un cri,
FROISSARD – Au secours ! On m'agresse, un revenant, j'ai peur !
CADOT ( d'une voix grave ) - N'ayez pas peur, je ne suis pas mort ! Je suis un Cadot !
FROISSARD – Qui parle là ? Vous voulez me faire mourir, je veux sortir !
La lumière se rallume et Ariane fait son entrée.
ARIANE – J'ai entendu un cri !
CADOT – Madame a été effrayée !
FROISSARD – Quelque chose m'a passé la main sur la figure, j'ai eu très peur !
ARIANE – Quelque chose ?
CADOT – J'ai voulu saisir la main de madame et ma main a glissé.
FROISSARD –C'est vous le candidat ?
ARIANE – L'effet de surprise n'a pas eu lieu comme je l'espérais. Voulez-vous quand même continuer l’expérience ?
CADOT – J'espère que je ne vous fais plus peur ?
FROISSARD – Vous n'êtes pas un revenant. Ca va mieux, j'ai toujours eu peur du noir..
CADOT – Je suis impatient de me faire pardonner mon geste déplacé.
FROISSARD – C'est moi qui suis trop impressionnable.
ARIANE – Je vais donc vous laisser faire connaissance. ( Elle sort. )
CADOT ( met un genou à terre et très chevaleresque ) – Madame, je m'en veux de vous avoir effrayé.
FROISSARD – ( en aparté ) C'est un chevalier, ( tout haut en lui tendant la main )Vous êtes pardonné.
CADOT – Merci, je dois vous dire que vous correspondez à mon idéal féminin. Je peux vous demander votre prénom ? Moi c'est Charles.
FROISSARD – Je m'appelle Odile. Vous avez l'air sympathique et je suis agréablement surprise. Je suis d’ailleurs ouverte à toutes sortes d'expériences.
CADOT – Ah ! Très bien ! Juste une question vous aimez le pop-corn ?
FROISSARD – Le pop-corn ? Quelle drôle de question, je n'aime pas spécialement, surtout au cinéma, les gens qui broutent comme, comme des animaux ! C'est énervant !
CADOT – Je suis tout à fait de votre avis, je crois que nous allons nous entendre, nous pourrions continuer cette conversation dans un endroit plus sympathique, qu'en pensez-vous ?
FROISSARD – Bonne idée, je sonne ?
CADOT – Oui, elle va être surprise la dame par notre rapidité.
FROISSARD – On verra.
Elle sonne, Ariane fait semblant d'être surprise.
ARIANE – Déjà ? Vous avez brûlé des étapes ?
CADOT – Non, madame, on vous remercie pour votre flair.
ARIANE – Mon flair ?
CADOT – Trouver du premier coup deux personnes avec énormément de points communs.
ARIANE – C'est un peu mon métier. Alors vous êtes décidé à poursuivre l’expérience ?
FROISSARD – Nous avons trouvé beaucoup d'atomes crochus et nous poursuivons l’expérience n'est-ce pas Charles ?
CADOT – Tout à fait ma chère Odile.
ARIANE – J’applaudis des deux mains et vous souhaite tout le bonheur du monde, il ne reste plus qu'à régler la contribution de Madame Froissard, deux cent cinquante euros.
FROISSARD – Je m'exécute avec plaisir, je suis tellement contente. ( Elle remplit un chèque. )
CADOT – J'apprécie le sérieux de votre maison.
ARIANE – CMD n'a qu'une parole.
FROISSARD – Au revoir madame et encore merci.
Ils sortent et Cadot en aparté à Ariane.
CADOT – Encore merci et en plus elle ressemble comme deux gouttes d'eau à votre copine, c'est son portrait craché, au revoir. ( Il sort. )
ARIANE ( restée seule ) – Elle va être contente, Michelle, son portrait craché avec vingt balais de plus. Bizarre ce couple, en trois minutes c'était plié, d'habitude il faut au moins une heure. Et ce Cadot, avec la Bernier il a fait un tas de chichis et là ! Pas un mot, il doit en avoir marre de dormir seul. (Elle appelle Michelle au tel. ) Allô, allô c'est toi, alors qu'est-ce que tu fous, je m’échine toute seule ici à faire rentrer le pognon dans la boutique et toi tu te la coules douce. Tu as imaginé un plan, c'est encore pour ton ex, tu ferais mieux de laisser tomber, tu m'expliqueras ça ici, tchao ! On a sonné.Il va falloir agrandir les locaux. ( Elle ouvre la porte.)
ARIANE – Bonjour monsieur, je vous en prie entrez donc .
TROUILLOT – Bonjour madame, Trouillot, je m'excuse cent mille fois de venir vous déranger sans avoir pris rendez-vous, je suis un ancien client de l'agence et je n'ai pas eu de chance.
ARIANE – Un ancien client de Madame Contier, je suis heureuse de vous rencontrer, vous n'avez pas de rendez-vous, vous savez ici c'est comme chez le dentiste, chacun son tour.
TROUILLOT – Je vous comprends, je voudrais juste déposer ma candidature.
ARIANE – Votre candidature ?
TROUILLOT – Oui, pour me marier, je recherche une dame dans les cinquante ans, ouverte à de nouvelles expériences.
ARIANE – A de nouvelles expériences, tiens tiens ! Et à part çà ?
TROUILLOT – Je suis prêt à tous les efforts pour la rendre heureuse !
ARIANE – CMD va se plier en quatre pour la trouver et vous satisfaire. Voilà un formulaire vous le remplissez, on gagnera du temps, les droits d'inscription sont de cent euros !
TROUILLOT – Avec Madame Contier on ne payait pas avant.
ARIANE – Le concept que CMD a développé est d'une efficacité redoutable, avec une garantie de bonne fin.
TROUILLOT – Je suis sûr de trouver l'âme sœur ?
ARIANE – Bien entendu, voilà un stylo installez-vous.
TROUILLOT – Merci.
Il s'installe. Le téléphone sonne, Ariane décroche.
ARIANE – Allô, allô, monsieur De Neuville, quel bon vent vous amène, c'est pour monsieur Dariole, un rendez-vous pour demain dix heures. Je l'inscris sur l'agenda, voilà. Dites-moi, monsieur Dariole ne peut pas téléphoner lui-même ? Ah ! La timidité, je comprends. Et pour vous? Si j'accepte votre invitation pour boire un verre ? Je vais en parler à la direction. Au revoir.
TROUILLOT – Je peux aussi vous inviter à boire un verre ?
ARIANE – Cher monsieur, la direction est intraitable à ce sujet.
TROUILLOT – Dommage pour moi. Je butte sur une question, indiquez vos qualités, je ne voudrais pas être prétentieux.
ARIANE – Si c'est vrai mettez-les. Il n'y a pas de mal à montrer ses bons côtés.
TROUILLOT – Bon vivant, excellent danseur, drôle, fidèle et.....
ARIANE – Et n'oubliez pas ouvert à de nouvelles expériences.
TROUILLOT – Bien entendu, cela ouvre pas mal de portes.
ARIANE – A qui le dites vous !
TROUILLOT – J'espère que vous me porterez chance.
ARIANE – Vous pouvez faire confiance à CMD, Ah ! On a sonné, venez vous installer à côté pour terminer votre formulaire, la discrétion est un de nos points forts. Je reviens vous voir plus tard.
TROUILLOT – Merci beaucoup ! ( Il sort. Ariane va ouvrir.)
ARIANE – Madame Bernier ! Quelle surprise !
BERNIER ( Est en noir et toute attristée en pleurs) – Bonjour Madame, je suis très malheureuse, je n'ai pas de chance, celui que vous m'avez trouvé n'était pas le bon. Il m'a déçu, vous ne pouvez pas savoir, pourtant cela avait bien commencé.
ARIANE – Monsieur Cadot avait l'air bien convenable.
BERNIER – Au début oui, après ça s'est gâté, c'était en fait un cadeau empoisonné.
ARIANE – Quel jeu de mots, quand est-ce que ça s'est gâté ?
BERNIER – Après la soirée télé, j'étais même d'accord qu'il m'embrasse mais seulement le lendemain, vous savez j'ai des principes. Il a prétexté un mal de tête, il s'est tiré et depuis plus de nouvelles.
ARIANE – Curieux tout cela, vous avez fait quelque chose de spécial ?
BERNIER – Pas du tout, je mangeais mes pop-corn, il n'en voulait pas.
ARIANE – Il est peut-être allergique au pop-corn. Madame Bernier un de perdu dix de retrouvé, on va vous en trouver un autre, CMD ne laisse jamais un client en rade.
BERNIER – C'est vrai ? Et mon argent est perdu ?
ARIANE – Pas du tout, vous avez droit à trois essais, alors courage !
BERNIER – Merci beaucoup, vous êtes très gentille !
ARIANE – Et je crois même que je peux vous proposer un autre parti.
BERNIER – Alors là ! Je suis estomaquée, vous avez des candidats à la pelle ?
ARIANE ( prend la fiche de Trouillot. ) – Nous en avons toujours sous la main. Vous voulez toujours un homme dans la cinquantaine, loyal fidèle et ouvert comme vous à de nouvelles expériences. Par contre il n'aura pas les yeux bleus, a part ça il est parfait. Il ne faudra pas mettre en avant votre goût immodéré pour le pop-corn.
BERNIER ( vexée ) – Immodérée ! Je n'en mange que devant la télé !
ARIANE – Il y a peut-être mieux à faire que manger du pop-corn devant la télé ! Surtout le premier soir.
BERNIER – Ah bon ! Quoi donc ?
ARIANE – Je ne vais pas vous faire un dessin, se tenir la main, se faire un bisou, un peu d'imagination que diable !
BERNIER – Pas de sexe hein !
ARIANE – Et pourquoi pas, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Vous voulez trouver l'âme sœur ?
BERNIER – Pas à n'importe quel prix !
ARIANE – C'est vous la femme, vous devez arriver à manipuler le candidat en lui faisant miroiter vos charmes !
BERNIER ( sidéré )– Manipuler le candidat avec mes charmes !
ARIANE ( en aparté ) Elle sort du couvent celle-là ! ( tout haut ) – Un homme recherche toujours l'amour, alors il faut lui en donner, de l'amour ! Avec un grand A !
BERNIER – Je ne sais pas faire moi, donner de l'amour !
ARIANE ( en aparté ) Elle m'énerve, c'est un cas désespéré. ( Tout haut ) – Vous le regardez avec des yeux enamourés comme si il était le bon dieu, comme ça. ( Elle s'approche de Bernier en la fixant droit dans les yeux, celle-ci recule jusqu'au mur. ) Ne reculez pas, laissez-le s'approcher de vous en souriant. Votre tenue, toute en noir, remontez un peu votre robe qu'on voit vos genoux, ouvrez deux ou trois boutons, voilà, c'est pas mal, un beau décolleté attire le regard des hommes .
BERNIER – Je ne voudrais pas passer pour ce que je ne suis pas.
ARIANE ( en aparté ) C''est pas gagné ! ( tout haut ) – N'importe quoi ! Vous voulez plaire ? Suivez mes conseils et vous allez faire des ravages.
BERNIER – Merci pour cette leçon, je vais suivre vos conseils.
ARIANE - A la bonne heure. Alors vous êtes prête pour rencontrer votre futur compagnon ?
BERNIER – Tout de suite ?
ARIANE – Bien sûr, CMD est l'agence la plus rapide du marché. Attendez-moi là et surtout sourire enjôleur et pas de pop-corn. Ayez confiance en vous ce n'est pas un enterrement, souriez !
BERNIER ( fait un sourire grimaçant ) – Comme cela ?
ARIANE – Moins forcé, plus relax, pensez à l'homme qui va vous rendre heureuse.
BERNIER – Vous allez éteindre la lumière ? Je tremble de peur !
ARIANE – On n'éteint plus. Vous pourrez trembler dans ses bras. Allez, du courage ! ( Elle sort. )
BERNIER – Je ne sais pas ce qui m'arrive, je suis toute chose, mon Dieu, faites que ce soit le bon. Et si c'était un sadique ?
Ariane revient avec M. Trouillot.
ARIANE – Voici monsieur Trouillot qui aimerait faire votre connaissance, allez, je vous laisse ensemble, à plus tard et sonnez quand vous voulez.
Elle sort et Trouillot s'assoit.
TROUILLOT – Bonjour Madame, c'est un plaisir de vous rencontrer, madame Ariane m'a parlé de vous. Je préfère faire connaissance en direct, pas vous ?
BERNIER – Bonjour monsieur, je n'ai pas bien entendu votre nom ?
TROUILLOT – Trouillot Albert, tout simplement, je le tiens de mon père.
BERNIER – Euh ! Enchantée, moi c'est Janine.
TROUILLOT ( enthousiaste ) – Janine, prénom sympathique, Albert et Janine, ça sonne bien, ça me plaît.Vous cherchez aussi l'âme sœur ?
BERNIER – Ce n'est pas facile. Madame Ariane m'a dit que nous avions des points communs, par exemple que nous sommes ouverts à de nouvelles expériences, vous avez une idée de ce que c'est ?
TROUILLOT – Et bien ! Je suppose que c'est faire des choses qu'on ne fait pas d'habitude.
BERNIER – Quoi par exemple ? Pas des saloperies ?
TROUILLOT ( un peu gêné ) – Non ! Par exemple, par exemple, se baigner dans une piscine de vin blanc.
BERNIER – Pas du rouge ça tache ! Et encore ?
TROUILLOT – Faire l'amour au dernier étage de la tour Eiffel, manger une omelette avec les doigts.
BERNIER – Au dernier étage de la tour Eiffel ?Vous avez déjà fait çà ?
TROUILLOT – Jamais, mon petit doigt me dit qu'avec vous tout sera possible.
BERNIER – Votre petit doigt ? On commencera avec des choses plus simples si vous voulez bien.
TROUILLOT – Quoi par exemple ?
BERNIER – Sonnez pour avertir que nous avons pris une décision.
TROUILLOT – Positive ?
BERNIER ( émue, en aparté .) Je ne sais pas ce qui m'arrive. ( tout haut ) – Très positive Albert et pour sceller ce pacte, embrassez-moi !
TROUILLOT ( ils se font la bise ) – Vous avez déjà joué au bowling ?
BERNIER – Jamais.
TROUILLOT – Alors je vous propose une partie de boules avec les mains et une bonne omelette baveuse avec une fourchette.
BERNIER – Ca me va.
Elle sonne et Ariane entre. Les deux se tiennent par la taille.
ARIANE – Ho,ho ! Je vois que les pourparlers sont bien avancés, vous êtes décidés à prolonger l'essai ?
TROUILLOT – Plutôt deux fois qu'une, n'est ce pas Janine ?
BERNIER – Je vais vivre un tas de nouvelles expériences avec Charles, je suis trop contente!Merci de me l'avoir trouvé.
ARIANE – CMD rend ses clients heureux. Monsieur Trouillot n'a plus qu'à régler les deux cent cinquante euros et c'est parti pour la vie.
TROUILLOT – Je m'exécute avec plaisir. Voilà ! Au revoir, je vous enverrai des clients.
BERNIER – Au revoir, je peux vous faire la bise ? Merci de m'avoir trouvé le bon.
ARIANE ( les raccompagne à la porte. ) – Tous mes vœux de bonheur. ( Ils sont sortis. ) Voilà encore une chose de faite. La Bernier, gonflée à bloc, j'espère qu'elle ne va pas gâcher tout
ça avec son pop-corn. ( On sonne. )Ah ! J'attendais Michou, comme elle ne sonne jamais, c'est donc quelqu'un d'autre. Il ou elle va bien attendre quelques minutes, c'est qu'on n'a même pas
le temps d'aller faire pipi dans cette boîte.
Rideau
Acte 2
Elle ouvre, c'est Michelle complètement transformée, elle a les cheveux noirs corbeau, habillée façon mannequin avec des lunettes fumées, Ariane ne la reconnaît pas.
ARIANE –Bonjour madame, vous désirez ?
MICHELLE ( accent complètement différent un peu faubourien. ) - Bonjour, drôle de question, quand on vient dans une agence matrimoniale, c'est pas pour acheter des chaussures mais pour trouver chaussure à son pied, pas vrai ma belle ?
ARIANE – Bien sûr madame, vous cherchez l'âme sœur ?
MICHELLE – T'as tout pigé ma vieille, tu as des clients sérieux dans ta boutique ?
ARIANE ( surprise ) – Dans ma boutique? Bien sûr, j'ai l'impression de vous avoir déjà rencontré !
MICHELLE – Et comment, je suis une copine de Michou, tu ne me reconnais pas ?
ARIANE – C'est pas vrai ? C'est toi ?
MICHELLE ( enlève ses lunettes ) – Tu as mis le temps, c'est réussi hein ?
ARIANE – Je suis estomaquée, en plus avec ton accent canaille. J'ai compris, c'est pour ta vengeance !
MICHELLE – Ma vengeance est toute proche, il va voir de quel bois je me chauffe, j'ai tout organisé.
ARIANE – Ca ne rapporte rien la vengeance et pendant que tu perds ton temps, moi je fais bouillir la marmite !
MICHELLE – Il faut bien que tu t'occupes. Les affaires ont marché ?
ARIANE – Bien sûr, j'ai recasé le Cadot. La Bernier a décidé de s'éclater avec un ancien client de ta tante, monsieur Trouillot. Il faut dire que je l'ai un peu déniaisée la Bernier.
MICHELLE – Elle en avait besoin. J'ai bien réfléchi à ma vengeance. Je ne voudrais pas que mon ex te voit. Il t'a peut-être vu en photo et te reconnaîtrait sûrement. Comme tu as bien travaillé je vais te donner ton après-midi. J'ai un rendez-vous avec Bella qui va m'aider dans ma vengeance.
ARIANE – Bella ? Comment tu as fait pour la convaincre ?
MICHELLE – Aucune difficulté, tu te rappelles les dossiers sur le bureau. Elle a tout de suite marché sans connaître tous les détails. C'est donc elle qui accueillera mon ex et je viendrai ensuite pour la mise à mort.
ARIANE – La mise à mort, ce n'est pas un taureau tout de même. Méfie-toi, c'est peut-être toi qui va être mise à mort.
MICHELLE – Et pourquoi ?
ET et, et, Pourquoi ?
Si vous voulez lire le reste de ma pièce, envoyez-moi un mail à mon adresse et je me ferai un plaisir de vous envoyer le texte complet.
rene.nommer@free.fr