Protégé par copyright avant diffusion.

Auteur : René NOMMER

 Site: www.theatrarire.fr 

 

Ca a bougé dans le placard

 

Pièce en deux actes

Cinq hommes 

Six femmes

Durée 80mn

Existe en version 5h/5f

 

 

Armand Guéluron rentier sans soucis passe son temps à courir le jupon sans trop se poser de question. C’est sans compter avec Cupidon ce dieu coquin de l’amour qui lui décoche une flèche sous les traits de Françoise, prof d’anglais. Et voilà Armand en proie aux affres de l’amour, ses conquêtes précédentes lui paraissent bien ternes. Lui d’habitude si conquérant se voit tremblant comme un collégien. Il veut donc se séparer de ses maîtresses d’autant plus que Ivan le mari de l’une d’entre elles a eu vent de leur relation. Il décide de disparaître pour un temps en prenant prétexte d’un voyage en Amérique du sud, où il aurait été enlevé par des bandits.

En réalité, il reste cloîtré chez lui dans son grenier, avec la complicité de son valet Firmin. Même Prudence, sa cuisinière et femme de ménage n’est pas au courant. C’est par une porte dérobée située dans un placard qu'il communique avec Firmin. 

A la nouvelle de sa disparition, se pointent ses maîtresses.

Firmin doit donc recevoir les visites de Margot qui s’installe sans façon pour soi-disant attendre le retour d’Armand. Arrive ensuite le mari de Fabienne, Pierrot qui vient voir pourquoi elle ne reçoit plus son cadeau mensuel, Julie la rousse pas commode et mariée au terrible Ivan et enfin Françoise prof d’anglais, celle qu’Armand aime, mais sans pouvoir le lui dire. L'arrivée inopinée de son frère Oscar apporte son lot de surprises.

 

Décors : Un séjour classique avec divan, fauteuil, peintures assez lascives, quatre portes, l’entrée, la cuisine, le jardin et une porte de placard, par laquelle Armand peut s’échapper.

 

Personnages :

Armand Guéluron, bon vivant, pas très vaillant. (118 répliques environ)

Firmin maître d’hôtel, vieille France, distingué, débrouillard, sert fidèlement son maître, tout en préservant ses intérêts. (190)

Prudence cuisinière, femme de ménage, curieuse, moqueuse, ne s’en laisse pas conter. (82)

Margot maîtresse n°1, accrocheuse, enjôleuse et sans gêne. (55)

Fabienne maîtresse n°2, vénale, prête à tout pour de l’argent. ( 34)

Pierrot son mari, simplet, cocu et content. (21)

Julie la rousse, maîtresse n°3 décidée et pas commode (30)

Ivan, mari de Julie, terrible. (36)

Françoise, prof d’anglais, celle qu’il aime, un peu fofolle mais décidée. Peut avoir l'accent anglais (57)

Oscar, frère aîné d’Armand. (36)

Mélanie la nounou, naïve mais rusée. Ce rôle peut être tenu par une débutante. (23)

 

La scène commence, Armand est très énervé, le mari de Julie est au courant de leur aventure et risque de se pointer à tout moment. Margot le relance à tout bout de champ, Fabienne devient de plus en plus gourmande, et il a peur de déclarer sa flamme à Françoise, car il craint un refus, et surtout qu’elle ne découvre ses nombreuses maîtresses.

N’oublions pas la cuisinière qui répond au doux nom de Prudence, elle a des visions elle croit voir des revenants partout. Elle et Firmin se détestent cordialement. Firmin reste toujours très digne en toute circonstance.

 

ACTE 1

.

ARMAND - Firmin, je compte sur ta loyauté et ta discrétion pour mener à bien cette opération.

 

FIRMIN - Monsieur peut compter sur moi, je serai une tombe, pourquoi Monsieur veut-il disparaître ?

 

ARMAND - Je n’ai pas d’autre solution, ma disparition momentanée va calmer les esprits. Alors tu reçois ceux qui se présentent et tu leur annonces ma disparition en Amérique du Sud, les enlèvements sont nombreux là-bas, ils n’y verront que du feu.

 

FIRMIN – Monsieur fait de l’humour avec le Feu. Le plus simple c'est d'annoncer votre décès chez les incas.

 

ARMAND - Chez les incas? Tu m'en fais un drôle de cas. Non, aux fâcheux, tu leur dis qu’il n’y a plus d’espoir de me voir vivant et aux autres que c’est une question de jours et que je serai bientôt de retour.

 

FIRMIN - C’est qui les autres ?

 

ARMAND – Les autres ? Il n’y en a qu’une ! C’est mademoiselle Françoise, ahhh! Ma Françoise . ( Armand est parti s'assoir, il a l'air tout à coup rêveur. )

 

FIRMIN - Monsieur n'a plus l'air pressé.

 

ARMAND - Hein! Comment? ( Il bondit de sa chaise.) Mon pauvre Firmin on voit bien que tu n'as jamais été amoureux, tu ne peux pas comprendre.

 

FIRMIN ( offusqué ) - Monsieur, j'ai connu les affres de l'amour, l'attente, l'espoir déçu et......

 

ARMAND - Très bien Firmin, revenons à nos moutons. Au fait, Prudence n’a rien remarqué ?

 

FIRMIN - Pensez-vous, je lui ai dit qu’il y avait des revenants, particulièrement dans cette pièce.

 

ARMAND - Des revenants ? Très drôle, Oh ! J’entends du bruit dans la cuisine, il faut que je file.

 

Il entre dans le placard, dont le fond est coulissant pour s’échapper. Entrée très prudente de Prudence, elle regarde avec un air circonspect à droite et à gauche.

 

PRUDENCE - J’ai entendu des voix, à qui parlais-tu Firmin ?

 

FIRMIN - - Moi ? Je parlais au revenant, ahhhh ! Il y en avait un justement, mais tu l’as fait fuir.

 

PRUDENCE - C’est cela, prends-moi pour une idiote. On n’a toujours pas de nouvelles de Monsieur Armand ?

 

FIRMIN - Aucune, mais il faut garder espoir, les bandits d’Amérique tuent rarement leurs otages, ils réclament plutôt une rançon.

 

PRUDENCE - Mon Dieu, pauvre Monsieur, mourir si jeune, j’en suis toute retournée !

 

FIRMIN - - Il n’est pas mort, quelle idée, va plutôt nous préparer à manger, et fais-moi double ration, cette situation me donne une faim de loup !

 

PRUDENCE - Comment peux-tu manger alors que notre patron est en train de mourir de soif ou de faim. Firmin, tu es sans cœur !

 

FIRMIN - Ce n’est pas parce qu’il meurt de faim qu’il faut en faire autant. ( Coup de sonnette.)Voilà une visite, les ennuis arrivent.

 

Prudence sort, Margot une des maîtresses entre.

 

MARGOT - Bonjour Firmin, j’espère que tu me reconnais ?

 

FIRMIN - Bonjour mademoiselle, je vous reconnais effectivement, vous voulez voir monsieur Armand je présume ?

 

MARGOT - Vous présumez bien, dites-lui que sa petite Margot chérie a décidé de lui faire une visite surprise.

 

FIRMIN ( pompeux ) - Je crains hélas ! Que cela ne soit pas possible !

 

MARGOT - Pas possible ?

 

FIRMIN - Monsieur Armand est parti en voyage d’affaires en Amérique du Sud et il ne reviendra pas de sitôt, si jamais il revient.

 

MARGOT - C’est quoi ce binz ?

 

FIRMIN - Mademoiselle n’a pas lu le journal, aux dernières nouvelles monsieur a été enlevé par des guérilleros zapateros ou autres et généralement ils ne relâchent jamais leurs otages.

 

MARGOT - Je vais leur dire moi qu’ils doivent tout de suite relâcher mon petit Armand. Non mais ils vont voir de quel bois je me chauffe, donnez-moi leur numéro de téléphone!

 

FIRMIN - Je n’ai pas de numéro de téléphone, personne ne l’a, Monsieur a disparu et je suis bien triste. ( Il essuie une larme.)

 

MARGOT - Je ne vais pas le laisser tomber, je vais rester ici et attendre son retour.

 

FIRMIN - Cela risque de durer, mais puis-je suggérer à mademoiselle de l’attendre dans le salon de jardin, il fait beau, et Prudence pourra vous servir une boisson.

 

MARGOT - Bonne idée, je connais le chemin.

 

 Elle sort, Firmin se dirige vers le placard et frappe deux petits coups, la tête d’Armand apparaît.

 

FIRMIN - Monsieur a entendu ?

 

ARMAND – C’est ennuyeux! Margot veut s’incruster, il faut à tout prix la faire partir, tu trouveras bien un stratagème, je compte sur toi. En plus, j’ai faim et soif, il fait chaud dans le grenier.

 

FIRMIN - Monsieur a de la chance, c’est l’été, en hiver il aurait gelé.

 

On entend du bruit, Armand se cache, Firmin ferme la porte, Prudence qui vient avec un plateau le voit faire.

 

PRUDENCE - Cà t’inquiète aussi les bruits du placard, je suis sûr qu’il y a des revenants !

 

FIRMIN - De toute façon je n’en ai pas vu, ils sortent peut-être la nuit.

 

PRUDENCE - Seigneur ! Je ne rentre plus ici.

 

Elle pose le plateau et va pour sortir, Firmin qui a inspecté le plateau l’arrête.

 

FIRMIN - Dis voir, Prudence, j’avais commandé double part, tu as vraiment une cervelle de moineau, où est la deuxième ?

 

PRUDENCE - Dans le ventre de la donzelle que tu héberges sous la véranda, elle m’a vu avec le plateau et elle s’est jetée dessus comme une mouche sur le miel, et j’ai du insister, sinon elle prenait tout.

 

FIRMIN - Voyez-vous cela, cette Margot ne manque pas de toupet, quand je dirais cela à Monsieur il ne sera pas content.

 

PRUDENCE - Et comment vas-tu faire pour le dire à Monsieur, grand nigaud, il est prisonnier chez les iroquois en Amérique.

 

FIRMIN - C’est vrai, où avais-je la tête ? Ce n’est pas chez les iroquois, mais chez les guérilleros, et cela ne te permets pas de me traiter de grand nigaud.

 

PRUDENCE – Je te traite comme je veux, c’est du pareil au même, et moi je suis t’attristée pour Monsieur, aussi qu’allait-il faire là-bas, mourir si jeune. ( elle pleure dans son tablier) Il est ingrat, parce qu’en plus il nous fait perdre nos places, une si bonne place.

 

FIRMIN – Tu m’en fait une t’attristée, Monsieur Armand n’est pas encore mort, loin de là, par contre je vais mourir de faim si tu ne me prépares pas une deuxième portion.

 

PRUDENCE - Je veux bien, si l’autre morfale ne va pas me la prendre.

 

Elle sort, Firmin va au placard, frappe deux coups, Armand apparaît.

 

ARMAND - Le plateau, où est le plateau, j’ai faim!

 

FIRMIN - Je vous le donne Monsieur, c’est ma part, la vôtre a été mangée par mademoiselle Margot.

 

ARMAND - Quelle vorace ! Elle a toujours été goinfre. Merci pour ta part.

 

FIRMIN - De rien monsieur, je vous en prie !

 

ARMAND Et débarrasses-nous de Margot.

 

Firmin ferme le placard et reste pensif. Prudence revient.

 

PRUDENCE - Oh! Firmin, tu pries, tu pries pour monsieur, pour qu’il revienne, comme c’est émouvant ! ( Elle pose le plateau et regarde autour d’elle.) L’autre plateau, il est où ?

 

FIRMIN - L’autre plateau ? Euh ! Je l’ai mis dans le placard, en attendant de pouvoir manger.

 

PRUDENCE - Tu n'avais pas très faim ?

 

FIRMIN - Oui, je vais d’ailleurs commencer par celui-là, voyons voir ce que tu m’as préparé.

 

PRUDENCE - C’est les restes, avec l’autre goinfre qui a mangé deux bananes, et une orange il va falloir tout commander en double.

 

FIRMIN - Eh bien ! Commande Prudence, moi j’attaque. ( Il s’installe met sa serviette et on sonne à la porte.) Va voir qui c’est, et envoie-le promener.

 

Prudence va ouvrir et revient.

 

 

PRUDENCE - C’est un monsieur Pierrot Cocou Fabienne qui veut voir Monsieur, il dit que c’est urgent !

 

FIRMIN - Pierrot Cocou Fabienne ? Cocu ou Cocou ? Connais pas. Tu lui as dit que Monsieur n’était pas joignable?

 

PRUDENCE - Je ne connais pas ce mot, vas lui dire toi-même !

 

Elle sort côté cuisine Firmin se lève et met le plateau dans le placard. Ensuite il fait rentrer le visiteur.

 

FIRMIN - Monsieur s’est déplacé pour rien, Monsieur Armand est parti en voyage, on ne sait quand il reviendra !

 

PIERROT - Quelle affreuse nouvelle ! Et on peut le joindre ?

 

FIRMIN - On ne peut le joindre, il a disparu !

 

PIERROT - Disparu ? Quand je vais le dire à ma femme, elle va être dans tous ses états. Et il revient quand ?

 

FIRMIN - Personne ne le sait !

 

PIERROT - Ma femme ne va pas être contente, car voyez-vous si je viens ici c’est parce que ma femme me l’a demandée. Vous la connaissez, c’est Fabienne.

 

FIRMIN - Je n’ai pas cet honneur, monsieur…

 

PIERROT - Cocou, Pierrot pour les intimes. Comme je vous disais, c’est ma femme qui m’a chargé de voir monsieur Armand, elle est un peu souffrante, ils ont des relations d’affaires, et elle s’inquiète pour sa gâterie.

 

FIRMIN – Gâterie ?

 

PIERROT - Oui, monsieur Armand avait l’habitude de lui verser une somme en début de mois, elle appelle ça une gâterie, nous sommes le cinq, et nous n’avons rien reçu.

 

FIRMIN – Une gâterie pour…. Services rendus…….Ah ! Monsieur Armand vous versait de l’argent ?

 

PIERROT - Ce n’est pas à moi, c’est Fabienne qui recevait l’argent.

 

FIRMIN - Votre femme faisait quel travail pour Monsieur  ? ( On entend un craquement dans le placard.) Dans le fond cela ne me regarde pas !

 

PIERROT - C’était quoi ce bruit ? Vous avez des rats ou des souris ?

 

FIRMIN - Dans les vieilles maisons les meubles craquent souvent. Voilà, si Monsieur Armand revient, il vous contactera.

 

PIERROT - C’est gênant. Comment on va faire sans cet argent, vous ne pouvez pas nous faire une petite avance pour dépanner ?

 

FIRMIN - Impossible monsieur, je ne suis que le domestique, je n’ai pas la main sur les finances.

 

PIERROT - Comme c’est dommage, donc vous ne pouvez pas mettre la main à la poche ?

 

FIRMIN – Si fait, si fait, mais elle est vide la popoche.

 

PIERROT – Dites bien à monsieur que Fabienne compte sur lui et lui transmet ses mimis passionnés.

 

FIRMIN - Mimis passionnés ?

 

PIERROT - C’est un code de travail entre monsieur Armand et elle.

 

FIRMIN - Code de travail ? Je n’y manquerai pas.

 

PIERROT - Je suis bien désolé, au revoir monsieur, alors vous ne pouvez pas nous dépanner, quel dommage, c’est ma femme qui ne va pas être contente, au revoir monsieur…. Prévenez-nous quand il y aura du nouveau, je compte sur vous et Fabienne aussi.

 

Pendant ce discours Firmin repousse tout doucement Pierrot vers la porte, il réussit enfin à le faire sortir. 

 

FIRMIN – Bien sûr monsieur, comptez sur moi ( Il ferme la porte.) Ouf ! J’ai cru qu’il ne partirait jamais.

 

Il se dirige vers le placard et reprend son plateau mais celui-ci est vide, Armand montre sa tête.

 

ARMAND - Tu t’es débarrassé de cet importun, il y a des gens qui ne doutent de rien. Au fait, ( Il s'avance menaçant devant Firmin. ) Tu n’es pas obligé de rentrer dans les détails de mes affaires si tu vois ce que je veux dire!

 

FIRMIN - J’avais compris que les affaires que Monsieur traitait avec madame Fabienne étaient confidentielles, je doute que monsieur Cocu oh ! Pardon, Cocou le sache, ou il joue à l’innocent.

 

ARMAND - Ce ne sont pas tes affaires, il vaut mieux que tu en saches le moins possible, pour t’éviter de dire des bêtises avec d’autres visiteurs.

 

FIRMIN - Comme vous voudrez Monsieur Armand. Si vous permettez, j’avais laissé mon plateau repas avant la visite et je constate qu’il est vide.

 

ARMAND - C’était le tien ? Quel dommage, j’ai pensé que voyant ma faim, tu m’en avais mis un deuxième. Ce n’est pas grave, demande à Prudence de t’en préparer un autre.

 

FIRMIN - Comme je lui en ai déjà commandé deux en prétextant une faim de loup elle va commencer à avoir des soupçons. Et j’ai complètement oublié l’autre morfale, je veux dire l’autre dame, c’est qu’elle a paraît-il, un sacré coup de fourchette.

 

ARMAND – Comment ? Margot est toujours là ? Il faut nous en débarrasser, sinon il va y avoir des ennuis.

 

FIRMIN - Je voudrais bien mais comment faire ?

 

ARMAND - Elle a une frousse bleue des souris, si tu peux lui en présenter une, elle va décamper sans demander son reste !

 

FIRMIN - Où vais-je trouver une souris à cette heure ?

 

ARMAND - Il n’y a pas d’heure pour les souris, débrouilles-toi pour en trouver une, ou bien fabriques-en une !

 

FIRMIN - En fabriquer une ? C’est une bonne idée. Je vais voir le fils du voisin, c’est un rigolo, il a déjà fait une blague à Prudence avec des araignées, il saura me trouver une souris.

 

ARMAND – Alors, ne perds pas de temps, vas-y tout de suite !

 

FIRMIN – J’y cours Monsieur, j’y cours.

 

Il sort, Armand va pour retourner dans son placard, il n’a que le temps, Prudence vient par la cuisine, la porte de l’armoire bouge un peu.

          

PRUDENCE (elle tient un balai de riz à la main)- J’ai vu bouger cette porte, il faut que j’en aie le cœur net, c’est peut-être une souris, un rat ou un revenant, peu importe, je ne vais pas le rater avec mon balai. (Elle essaye d’ouvrir l’armoire avec le manche du balai, celle-ci s’ouvre, et s’en échappe l’écharpe blanche d’Armand, que celui-ci a perdu en rentrant dans le placard.) Ciel ! L’écharpe de Monsieur ! Dans le placard ! Monsieur l’avait prise avec ! C’est le fantôme de Monsieur, je ne reste pas ici ! (Elle crie) Firmin ! Firmin ! (Personne ne répond, mais on sonne à la porte d’entrée.) De la visite, j’espère que ce n’est pas le revenant.

 

Elle va ouvrir, un homme force l’entrée, c’est Ivan le mari de Julie.

 

IVAN (énervé) – Je n’ai pas de temps à perdre, je voudrais voir Guéluron tout de suite !

 

PRUDENCE – Impossible, Monsieur est absent, et on ne sait quand il reviendra.

 

IVAN - Vous me chantez quoi là ? Je n’ai pas de temps à perdre, je veux voir votre patron, vous êtes la bonne ? Allez exécution, vite, sinon je vais le chercher moi-même.

 

Il s’avance menaçant vers Prudence qui bat en retraite et sort. Ivan inspecte la pièce, ouvre la porte du placard, rentre à l'intérieur. C'est Margot qui entre, elle voit Ivan sortir de l'armoire et pousse un cri.

 

MARGOT - Mais, qui êtes-vous?

 

IVAN ( en voyant Margot, sort de l'armoire et devient tout sourire et un brin obséquieux) – Madame, mes hommages, permettez-moi de me présenter Ivan Decourgewitch, pour vous servir. A qui ai-je l’honneur ? Oh ! Laissez-moi deviner, vous êtes la maîtresse de maison, madame Guéluron, remarquez, ce n’était pas difficile à trouver.

 

MARGOT ( un peu surprise) – Monsieur, je crois que nous….

 

IVAN - Nous ne nous connaissons pas, malgré des soucis en commun que je me ferai un devoir de vous exposer, mais seulement après avoir vu votre mari.

 

MARGOT ( se décide à jouer le jeu) – Il vous faudra patienter monsieur, mon mari est parti en voyage, et je n’ai plus aucune nouvelle de lui, il a disparu !

 

IVAN ( s’énerve à nouveau) – Comment ? Disparu ! Ce malotru ! (Il se radoucit subitement.) Oh ! Madame excusez cet accès de colère, qui ne vous est pas destiné, je vous demande pardon. ( Il lui prend la main, et lui embrasse le bout des doigts.)

 

MARGOT ( flattée)- Monsieur, je vous en prie !

 

IVAN - Madame, vous êtes tout à fait charmante, et je comprends d’autant moins votre mari, son comportement, alors qu’il a un trésor à la maison.

 

MARGOT - Monsieur, je crains de ne pas comprendre, expliquez-vous clairement !

 

Pendant ce temps la porte de la cuisine s’est entrouverte, Firmin lâche une petite souris mécanique en direction de Margot, qui en la voyant pousse un cri et saute dans les bras d’Ivan qui sous le poids s’écroule avec elle sur le divan. Il a l’air très content, et finalement Margot aussi.

 

IVAN - Une sympathique petite souris vous a précipité dans mes bras, vous m’en voyez ravi.

 

MARGOT – Généralement quand je vois une souris je m’évanouis, vous m’avez sauvé. On voit que vous êtes un homme, un vrai, maintenant si vous voulez bien me poser.

 

IVAN ( il la met debout)- Excusez-moi, ceci était inattendu, et ma foi bien agréable.

 

MARGOT - Je m’apprêtais à sortir avant votre visite, aussi si vous voulez m’accompagner, nous pourrons faire plus ample connaissance.

 

IVAN (charmé) – Madame c’est un honneur pour moi, mais que dirait votre mari, si par hasard il revenait ?

 

MARGOT - Il n’y a aucune chance qu’il revienne avant des jours, et il n’avait qu’à ne pas me laisser, je m’ennuie toute seule à la maison avec des souris. ( Elle sonne.)

 

IVAN (en aparté ) - Je tiens ma vengeance. (Haut.) Vous avez pourtant des domestiques ?

 

MARGOT - Je ne peux passer mon temps avec les domestiques, leur conversation, enfin vous me comprenez ?

 

Entrée de Firmin, il a entendu la conversation derrière la porte.

FIRMIN - Madame a sonné ?

 

MARGOT (avec autorité)- J’ai encore vu une souris, c’est intolérable, faites le nécessaire pour les éliminer et apportez-moi ma veste, je sors.

 

FIRMIN – Tout de suite Madame. ( Il sort.)

 

IVAN ( impressionné)- Vous avez de l’autorité avec vos domestiques, ils filent droit.

 

MARGOT – Une femme seule ne doit pas se laisser impressionner. ( Retour de Firmin.)

 

FIRMIN – Voilà votre veste madame, je vous souhaite une agréable soirée.

 

Il veut passer la veste à Margot, mais Ivan la lui arrache des mains et s’avance.

 

IVAN - Madame,  permettez !

 

MARGOT - Merci, monsieur, je reconnais là un galant homme. Bon nous partons, Firmin, n’oubliez pas les souris, il ne doit pas en rester une.

 

Ils sortent. Firmin se frotte les mains et va toquer au placard. Armand passe la tête.

 

FIRMIN – Vous avez vu comme j’ai réglé cette affaire, je vous ai débarrassé de deux gêneurs d’un coup. Votre euh !…Amie Margot et Courgecuite ou quelque chose comme cela.

 

ARMAND – Firmin, un peu de tenue. Margot, à peine une amie, une connaissance, elle en a du toupet, se faire passer pour ma femme, comme elle nous a débarrassé de la courge Ivan j’en suis fort aise. La seule visite qui m’aurait intéressé n’est pas venue. Dans ces occasions on voit si on est apprécié des gens, c’est dans les moments difficiles qu’on reconnait ses amis.

 

FIRMIN – Pourtant les visites n’ont pas manqué à Monsieur, trois personnes en peu de temps.

 

ARMAND – Parlons-en des mes visites, un mari jaloux, un autre complaisant et souteneur sur les bords, et une ancienne maîtresse qui ne veut pas me lâcher les basques, ce sont des amis ?

 

FIRMIN – Je ferais remarquer à Monsieur qu’il m’a dit de ne pas m’occuper de ses affaires.

 

ARMAND - C’est vrai mais tu dois en savoir un minimum pour bien t’occuper de mes visiteurs. La seule que tu devras soigner aux petits oignons c’est Françoise ma prof d’anglais.

 

FIRMIN – Je remercie Monsieur de sa confiance, et j’essaierai d’en être digne.

 

Coup de sonnette, c’est Julie, femme d’Ivan, elle est en pétard, Firmin ouvre, Armand est retourné dans sa cachette

 

FIRMIN – Bonsoir madame, je présume que....

 

JULIE ( furieuse) – Armand, où est Armand ? Je veux le voir tout de suite, ça ne va pas se passer comme cela, il me doit une explication.

 

FIRMIN ( cauteleux ) – Madame n’a pas lu le journal ? Monsieur est absent pour une très longue période, je dirais même que l’espoir de le revoir est très mince.

 

JULIE – Très mince, très mince, je m’en fous du très mince je veux voir Armand, un point c’est tout !

 

FIRMIN – Je ne peux que me répéter, Monsieur est parti, aux Amériques, sans laisser d’adresse !

 

JULIE – Sans laisser d’adresse, le coquin, me faire ça à moi, lui qui m’avait juré qu’il ne partirait pas sans moi. Oh ! Je me vengerai. Et vous êtes qui?

 

FIRMIN – Je suis maître d’hôtel, madame.

 

JULIE – Il n’a pas laissé un mot pour moi ?

 

FIRMIN – Je ne connais pas votre nom.

 

JULIE – Je suis Julie, sa petite rousse, il vous a sûrement parlé de moi ?

 

FIRMIN – Je ne suis pas dans les confidences de Monsieur. Et il n’a pas laissé de message pour vous.

 

JULIE – Vous avez eu la visite d’un monsieur tout à l’heure ?

 

FIRMIN – Nous recevons beaucoup de visites, madame.

 

JULIE ( se plante sous le nez de Firmin – Un certain monsieur Decourgewitch Ivan.

 

FIRMIN – Je ne suis pas autorisé à donner ce genre de renseignement.

 

JULIE ( soudain charmeuse) – Vous pouvez faire une exception pour moi, c’est très important.

 

FIRMIN – Madame, je ne suis pas autorisé à divulguer les secrets de la maison !

 

JULIE (vient se coller contre lui)- Comme il cause bien cet homme ! C’est comment ton prénom ? Tu sais que tu as de beaux yeux ? Alors c’était qui ?

 

FIRMIN (gêné mais ravi) - Ce monsieur avait un nom avec courge dedans, il était d’ailleurs très remonté !

 

JULIE Je reconnais bien mon Ivan, la tête près du bonnet. Et la dame qui l’accompagnait, c’était qui ?

 

FIRMIN – Je ne vois pas très bien ce que vous voulez dire.

 

JULIE C’était la femme d’Armand, je ne savais pas qu’il était marié, le menteur, il m’avait promis le mariage après mon divorce qu’il disait. Et ils se tenaient par le bras comme, comme….

 

FIRMIN – Comme quoi, madame ?

 

JULIE – Comme deux amoureux, il me trompe, le salaud !

 

FIRMIN –Madame, vous faites sûrement erreur.

 

JULIE Pas du tout ! Ivan est mon mari, il me trompe avec la femme d’Armand, il n’a pas le droit. Oh ! Que je suis malheureuse !

 

Elle s’accroche à Firmin et pleure sur son épaule. Entrée de Prudence qui reste abasourdi devant le spectacle.

 

PRUDENCE - Je crois que je dérange, je reviens plus tard. ( Elle va pour sortir, mais on sonne.)

 

FIRMIN – Ce n'est pas ce que tu crois, va plutôt ouvrir.

 

Elle s’exécute, Firmin réussit à se séparer de Julie et prend une pose digne.

 

PRUDENCE ( revient ) – Une dame qui veut voir Monsieur.

 

FIRMIN - Comme Monsieur n’est pas là, je vais lui dire que sa visite est inutile.

 

JULIE – Vous connaissez cette dame ?

 

PRUDENCE – Elle est déjà venue….

 

FIRMIN – Prudence, ceci n’est pas de ton ressort, tu peux retourner à la cuisine.

 

PRUDENCE ( se plante devant Firmin) – Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi, tu n’es que le valet, j’irai à la cuisine si j’ai envie, non mais !

 

Pendant ce temps Julie va à la porte et sans ménagement.

 

JULIE Je vous signale que si vous venez voir Armand, il est absent. ( elle détaille la visiteuse ) pour vous il ne sera jamais là, il en pince pour moi, alors vous pouvez repartir.

 

FRANCOISE – Il en pince, je ne comprends pas, je reviendrai plus tard, veuillez m’excuser.

 

Firmin et Prudence qui ont regardé la scène d’un air ahuri, se ressaisissent, Prudence sort, Firmin qui a reconnu Françoise s’avance, dans la porte et écarte Julie.

 

FIRMIN – Madame, je vous en prie, désolé de vous avoir fait attendre, un problème domestique que je règlerai plus tard, vous êtes la bienvenue, donnez-moi votre nom pour l’inscrire sur le cahier des visites.

 

FRANCOISE – Mon nom ? Françoise Engliche, monsieur Armand m’avait prié de passer. Pour sa leçon d’anglais. Je reviendrai un autre jour.

 

JULIE Vous êtes son professeur d’anglais ? C'est sûr? Vous ne risquez pas de lui apprendre quoi que ce soit. Il est parti apprendre directement sur place, aux Amériques.

 

FRANCOISE – J’avoue que je ne comprends rien. Armand, vous voulez dire monsieur Guéluron est parti ? Il n’était qu’à la deuxième leçon. Et aux Amériques !

 

JULIE ( se moquant) - C’est monsieur… Le maître d’hôtel qui m’a dit les Amériques. C’est là-bas qu’on parle anglais, je crois.

 

FIRMIN – Comme Monsieur est parti en Amérique du sud, il apprendra plutôt l’espagnol.

 

JULIE Bon, enfin il est parti, et il n’est pas près de revenir s’il faut croire monsieur le maître d’hôtel, donc, je m’en vais aussi, une question mademoiselle…Françoise, Armand vous a-t-il présenté sa femme ?

 

FRANCOISE – Sa femme ? Non, je ne savais même pas qu’il était marié. Pour ses leçons d’anglais, je ne suis pas obligé de savoir si monsieur Guéluron est marié ou non. Je vais me retirer aussi.

 

FIRMIN – Je puis vous assurer que monsieur Armand n’est pas marié, madame a fait une déduction hâtive qui ne correspond pas à la réalité.

 

JULIE La dame au bras de mon mari, en sortant d’ici, c’était qui ? Je vous le demande, monsieur le maître d’hôtel.

 

FIRMIN – Je suis tenu à une certaine réserve, mais je puis vous assurer, mesdames, que Monsieur Armand est célibataire.

 

JULIE Oh ! Vous avec votre réserve. De toute façon je le saurai, au revoir madame, monsieur le maître d’hôtel. (Elle sort.)

 

FRANCOISE – Je m’en vais aussi, j’aurais une question, vous n’êtes pas obligé de me répondre, j’ai remarqué votre discrétion, cette dame qui vient de sortir, c’est une amie de monsieur Guéluron ?

 

FIRMIN –Madame a remarqué la discrétion à laquelle je suis tenu de par ma fonction. Je peux vous dire que cette dame n’est qu’une vague connaissance de Monsieur, c’est exactement la femme d’une connaissance de Monsieur. ( Il rit satisfait de sa trouvaille.)

 

FRANCOISE – Elle a ajouté que monsieur Armand n’était pas près de revenir et qu'il en pinçait pour elle.

 

FIRMIN -   Il ne faut pas ajouter trop d’importance aux dires de cette dame, elle exagère tout et ne comprend que la moitié des choses.

 

FRANCOISE – Ce qui veut dire en clair ?

 

FIRMIN – Monsieur est effectivement parti, il m’a recommandé expressément de vous dire, personnellement, qu’il ne vous a pas oublié et qu’il serait bientôt de retour pour reprendre ses cours avec vous.

 

FRANCOISE – C’est tout ?

 

FIRMIN – Comment ? C’est tout ?

 

FRANCOISE – Il n’a rien ajouté d’autre ?

 

FIRMIN - Je ne vois pas….

 

On entend un craquement dans l’armoire, la porte s’est un peu entrebaîllée, on voit Armand qui fait des signes sans être vu de Françoise. Firmin va pour refermer la porte.

 

FIRMIN - Excusez madame, ces vieux meubles sont déglingués, les portes ne tiennent plus fermées.

 

ARMAND (En aparté) – Dis-lui que je pense à elle tous les jours et que j’ai hâte de la revoir. Tu n’es pas doué avec les femmes mon pauvre Firmin !

  

FRANCOISE ( s’est rapprochée, elle a l’air très intéressée) – J’ai vu cette porte s’ouvrir toute seule, vous avez un revenant dans la maison, une âme en peine qui rôde, c’est excitant, laissez- moi voir. J’adore les histoires de revenants.

 

Firmin a refermé la porte et s’est mis devant.

 

FIRMIN – Pas de revenants, juste quelques souris.

 

FRANCOISE – Laissez-moi voir, je suis une spécialiste.

 

Entrée précipitée de Prudence.

 

PRUDENCE – Firmin, on a téléphoné d’Amé…. ( Et reste bouche bée en voyant Firmin et Françoise, elle voulant ouvrir la porte de l’armoire et lui en l’empêchant d’un air très digne.) Mais que faites-vous ?

 

FRANCOISE – Ah ! Madame, vous avez des revenants dans la maison, vous le saviez ?

 

PRUDENCE – Des…Des revenants ?

 

FRANCOISE – J’ai vu cette porte s’ouvrir toute seule, je veux regarder à l’intérieur, mais monsieur m’en empêche.

 

PRUDENCE – Je te l’avais dit Firmin, il y a des revenants, c’est le fantôme de monsieur Armand, j’ai bien trouvé son écharpe tout à l’heure, je ne reste pas ici. ( Elle va pour sortir.)

 

FIRMIN - Prudence ! Tu frises le ridicule. Quant à vous madame, je puis vous assurer que vous faites erreur, il n’y a que des souris, des bébêtes à quatre pattes.

 

FRANCOISE – Alors je peux regarder dans l’armoire ?

 

PRUDENCE – A votre place, je ne m’y risquerais pas, c’est dangereux !

 

FIRMIN – Il n’y a aucun danger, vous pouvez ouvrir l’armoire.

 

( Il s’écarte, Françoise ouvre la porte, Prudence a l’air terrifié mais regarde quand même, inspecte l’armoire, et referme la porte.)

 

FRANCOISE – Finalement il n’y a rien, nous avons fait trop de bruit, le fantôme a eu peur. je demanderai à monsieur Armand de me laisser inspecter toute la maison.

 

On entend un nouveau craquement dans l’armoire, Prudence pousse un cri d’effroi, et Françoise se jette sur la porte avant que Firmin ne puisse l’en empêcher, elle ouvre la porte d’un seul coup mais il n’y a rien.

 

FRANCOISE - Ce fantôme joue avec nous, je finirais bien par l’attraper.

 

PRUDENCE – Vous voulez vraiment l’attraper ?

 

FRANCOISE – C’est une expression, j’ai vécu deux ans en Ecosse, et on jouait à attraper les fantômes.

 

PRUDENCE – Vous en avez eu combien ?

 

FRANCOISE – Aucun, par contre j’en ai vu un tas.

 

FIRMIN – C’était un jeu sans doute. Prudence tu disais quoi en entrant tout à l’heure ?

 

PRUDENCE – On a téléphoné des Amériques.

 

FRANCOISE – Monsieur Armand sans doute ?

 

PRUDENCE – Hélas ! Non. Je n’ai pas compris grand chose, un monsieur qui parlait espagnol sans doute. Il disait pronto ques a quo ou à qui et son nom Alfredo, c’est ça Alfredo Monte Alegre ou Alegro je ne sais plus.

 

FIRMIN - Il n’a pas dit autre chose ?

 

PRUDENCE – Je n’ai rien compris que je te dis. Pour moi c’était du chinois.

 

FRANCOISE – Bon, je dois partir, si monsieur Armand revient, il sait où me trouver. Au revoir. (Elle sort.)

 

FIRMIN – Au revoir, madame, au plaisir de vous revoir. ( Prudence qui a suivi Firmin reste presque collée a lui sur la porte d’entrée.) Et bien Prudence qu’est-ce qui te prends de me serrer comme cela, c’est la curiosité ? Ne me dis pas que tu éprouves pour moi un sentiment que notre différence d’âge voue à l’échec ?

 

PRUDENCE - Ne plaisante pas, j’ai la frousse, je ne reste plus toute seule dans cette pièce, les revenants c’est très peu pour moi. Je les laisse tous à cette dame, elle peut en faire ce qu’elle veut. Elle ne serait pas un peu timbrée pour courir après les revenants ?

 

FIRMIN (très fort) – Je ne suis pas de ton avis, mademoiselle Françoise est très sympathique, polie et courageuse.

 

PRUDENCE – Pourquoi cries-tu si fort tout d’un coup ? Tu as peur des revenants, hein ! Tu as peur des revenants, comme moi.

 

FIRMIN – Tu es vraiment ridicule, comme si je pouvais avoir peur.

 

PRUDENCE – Oh ! Ne fais pas ton fier cul, tu es comme tout le monde, ah! j’ai compris, cette dame t’a tapé dans l’œil, j’ai vu ton manège près de l’armoire, tu avais l’air d’un amoureux transi, tu en as profité mon gaillard !

 

FIRMIN – Maintenant tu deviens folle, je ne me permettrais pas le moindre faux pas avec une amie de Monsieur. Et tu ferais bien de retourner dans ta cuisine, et n’oublies pas que nous avons un contentieux suite à la visite de madame.

 

PRUDENCE – Un con…. Quoi ? C’est toi qui me dois des excuses. Me donner des ordres, non mais je t’en foutrais moi, le diable soit des maîtres d’hôtel de pacotille.

 

Elle sort en claquant la porte. Firmin va à l’armoire et frappe deux petits coups. Armand pointe sa tête.

 

FIRMIN – Monsieur est satisfait ? J’ai fait tout ce que j’ai pu !

 

ARMAND – Tu as failli casser toutes mes chances avec Françoise. Ma parole, tu n’as jamais fréquenté une fille ?

 

FIRMIN – Dame ! Ce n’était pas facile. Monsieur ne m’avait pas donné d’instruction précise.

 

ARMAND – Il n’y a pas besoin d’instruction pour cela, il faut du feeling, du doigté.

 

FIRMIN – Monsieur ne m’avait pas dit que mademoiselle Françoise était branchée revenants.

 

ARMAND – Je l’ignorais moi-même, c’est bon à savoir.

 

FIRMIN – Pourquoi Monsieur a-t-il fait craquer l’armoire une deuxième fois ?

 

ARMAND – Tu ne comprendras jamais. Son parfum, tu comprends, son parfum, était dans l’armoire et je voulais le respirer, le sentir.

 

FIRMIN – Ah ! Oui, Monsieur, son parfum !

 

ARMAND -   Tu vois, tu ne comprends rien aux femmes. J’y pense, tu feras comprendre à Prudence qu’on ne traite pas mes amies de cinglées, même quand c’est vrai.

 

FIRMIN - Je lui ferais la commission.

 

ARMAND - Tu plaisantes j’espère, je suis censé être en Amérique.

 

FIRMIN -   Tous ces événements me troublent, surtout que vous avez reçu un coup de téléphone d’Amérique, je n’y comprends plus rien.

 

ARMAND -   Ah ! Ce brave Alfred ne m’a            pas oublié. C’est un ami à moi, il devait téléphoner en faisant croire à un coup de téléphone d’Amérique. Tu as marché à fond.

 

FIRMIN - C’est Prudence qui marche, elle n’a rien compris, mais elle est persuadée que vous êtes mort, et que votre fantôme hante la maison, depuis qu’elle a trouvé votre écharpe.

 

ARMAND - J’ai dû battre en retraite précipitamment. Mais laissons-la croire, on lui dira la vérité quand ce sera nécessaire, j’ai peur qu’elle ne puisse tenir sa langue.

 

FIRMIN - Vous avez raison, avec les femmes on ne sait jamais.

 

ARMAND - Tu as de l’expérience avec les femmes toi ?

 

FIRMIN - Si Monsieur me permet, je n’ai pas besoin de me cacher pour leur échapper !

 

ARMAND - C’est plutôt à leurs maris que je veux échapper, de toute façon, il n’y en a plus qu’une qui m’intéresse.

 

FIRMIN - Madame Françoise, je suppose ?

 

ARMAND - Bien sûr, la seule !

 

FIRMIN - Pourtant les autres ne sont pas si mal !

 

ARMAND - Mon pauvre Firmin, on voit que tu n’as jamais été amoureux. Quand ça vous prend, plus rien d’autre n’existe, c’est un éblouissement. Pourquoi je te raconte tout cela ?

 

FIRMIN -   Monsieur est en veine de confidence.

 

ARMAND - Au fait, tu n’es pas resté insensible au charme de madame Julie, elle t’a fait du gringue, et tu as succombé immédiatement, hein ! C’est pas joli ça Firmin, tu marches sur mes plate-bandes !

 

FIRMIN – Je suis gêné Monsieur, elle m’a pris par surprise, cela ne se reproduira plus !

 

ARMAND ( se frotte les mains )- Si si, au contraire, si tu pouvais me débarrasser de Julie, en voilà une bonne idée, cela me ferait plaisir, et en prime tu aurais son mari Ivan le terrible.

 

FIRMIN - Oh ! Je ne tiens pas à marcher sur les plates-bandes de Monsieur !

 

ARMAND - On a peur d’Ivan ?

 

FIRMIN – Je comprends pourquoi Monsieur se cache !

 

On sonne, Armand disparaît, Firmin ouvre, c’est Françoise, elle a un casque avec une lampe frontale, un sac à dos d’où dépasse une corde.

 

FIRMIN - Oh! Madame Françoise, Monsieur n’est toujours pas rentré. Vous partez en expédition ?

 

FRANCOISE – Monsieur Firmin, je suis terriblement excitée, au sujet des revenants, j’avais mes outils de travail dans ma voiture. Il faut que je me mette tout de suite à la tâche, je vais pister ces fantômes, j’espère que monsieur Armand ne m’en voudra pas.

 

FIRMIN - Monsieur Armand ? Pas du tout ! Il m’a dit qu’il vous appréciait beaucoup, vous êtes sa, sa…

 

FRANCOISE - Sa quoi ?

 

FIRMIN - Sa prof de langue préférée.

 

FRANCOISE – Il en a d’autres ?

 

FIRMIN - D’autres ? Oui, mais elles sont paraît-il moins bonnes que vous.

 

FRANCOISE – J’ai encore une question. Quand vous a-t’il dit cela ?

 

FIRMIN - Euh ! …Dernièrement, avant son départ.

 

FRANCOISE - Il apprend combien de langues ?

 

FIRMIN (soudain conscient de faire une gaffe) - Je ne sais pas, trois ou quatre, mais vous êtes la seule qu’il a gardé.

 

FRANCOISE – Je lui poserai la question. Je peux commencer la traque ?

 

FIRMIN - La traque ? La traque de quoi ?

 

FRANCOISE – Des fantômes !

 

Entrée de Prudence, elle reste la bouche ouverte en voyant la tenue de Françoise.

 

PRUDENCE - Et bien ça alors ! Quel déguisement, c’est carnaval, madame ?

 

FIRMIN - Prudence, je te prierais de ne pas importuner madame Françoise, qui veut nous débarrasser des soi-disant revenants.

 

PRUDENCE - Vous êtes bien courageuse madame, quand vous en aurez attrapé un, vous le mettrez où ?

 

FRANCOISE – Quand je parle d’en attraper un, je veux dire le voir et peut-être communiquer avec lui, ils sont immatériels, on ne peut pas les saisir !

 

PRUDENCE - Ils sont morts ?

 

FRANCOISE – Je le crains.

 

PRUDENCE - En tout cas, moi je ne tiens pas à en voir, mort ou vivant.

 

FIRMIN - On ne t’a rien demandé, tu vas accompagner madame Françoise à la cave, je vous suggère de commencer par là, il y a eu des bruits dernièrement.

 

FRANCOISE – J’aurais préféré le grenier !

 

FIRMIN - Je dois d’abord m’assurer que vous ne risquez rien là-haut, le plancher est pourri par endroit. Prudence, montre bien à madame la troisième marche, tu sais celle qui est glissante, je ne voudrais pas qu’il vous arrive malheur.

 

PRUDENCE - Oh ! Moi je n’irai pas plus loin que la troisième marche, d’ailleurs je ne descends plus à la cave. Les revenants, très peu pour moi. Suivez-moi madame.

 

Elles sortent. Firmin va à l’armoire et frappe légèrement.

 

FIRMIN - Vous avez entendu ? J’ai réussi à éloigner madame Françoise, elle voulait monter au grenier !

 

ARMAND - J’ai entendu, elle est courageuse, je me demande ce qu’elle dirait en me voyant !

 

FIRMIN - Si Monsieur pense que cela peut arranger ses affaires !

 

ARMAND - Justement je n’en sais rien, je peux toujours monter sur le toit, pendant qu’elle visite le grenier.

 

FIRMIN - Les tuiles sont glissantes, Monsieur risque de se rompre le cou pour de vrai. Je suggèrerais plutôt à Monsieur de se cacher dans la grande malle en osier.

 

ARMAND - Elle est pleine de poussière, et quand il y a de la poussière, j’éternue ! Le mieux c’est de l’empêcher de monter là-haut.

 

FIRMIN - Je ferais de mon mieux. A-t’elle peur des rats ?

 

ARMAND -   Je ne sais pas, pourquoi ?

 

FIRMIN - Notre petit voisin le bricoleur en a un très beau, mécanique, je peux l’emprunter.

 

ARMAND - Bonne idée, vas le chercher il nous servira peut-être.

 

FIRMIN - J’y cours Monsieur. ( Il sort, Armand reste pensif.)

 

ARMAND - Ah ! Ma petite Françoise, tu me manques, si près et en même temps si loin, il me tarde de reprendre mes cours, My taylor is rich, beautiful, pretty, I love you ! Petite chanson en anglais.

 

 

 

 

 

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 René NOMMER.