UNE IMPRESSION DE DEJA VU

 

 

Auteur : René NOMMER

Site web : www.theatrarire.fr

 

Deux actes, un décor

Durée: ~85 minutes

Personnages: 5F/3H

 

LILY - Rêveuse, vit avec son aventure de jeunesse, déteste cordialement sa sœur, lui en veut sans savoir pourquoi.

FLEUR – La tête pensante, dirige tout, dure sarcastique, moqueuse, mais susceptible. Elle va entrer en compétition, avec sa sœur pour séduire Gabin. Suite à une chute elle utilise une canne qui lui sert surtout à ponctuer ses remarques.

CLEMENTINE - Cuisinière et lingère, elle a un ton très libre, avec ses patrons, ce qui énerve Fleur et fait rire Lily.

LAPINCE – Monseigneur l'évêque, tuteur ou peut-être plus de Cassandra, un peu mielleux mais dans son rôle.

GABIN – Le nouveau valet apporte sa part de mystère lié au passé de Lily.

CASSANDRA – Cousine, branchée jeune, moqueuse révoltée mais bonne fille.

MELANIE – Cousine éloignée des deux sœurs, un brun vulgaire.

MARTIN – Mari de Mélanie, paresseux, familier, vantard et sans le sou. Ils viennent pour s'incruster car ils sont à la rue.

Scénario

Lily et Fleur, sœurs célibataires, vivent leur train-train fait de querelles et disputes pour des riens. Lily rêve de son amour de jeunesse perdu ce qui a le don d'agacer sa sœur. Clémentine leur bonne au franc parler ne se gêne pas pour faire des remarques qui irritent Fleur au plus haut point. L'arrivée d'un nouveau Maître d'hôtel, suite au décès de l'ancien, va provoquer un bouleversement profond sur fond de jalousie dans leur vie. A cela s'ajoute la proposition de leur oncle Monseigneur Lapince d'héberger une nièce Cassandra qui a des problèmes avec l'autorité. L'irruption de deux cousins lointains va donner l'occasion à Lily de déployer une énergie et une autorité qu'on ne lui connaissait pas.

 

 

UNE IMPRESSION DE DEJA VU

 

Acte 1

Elles sont revenues de l’enterrement, Fleur a un tailleur rouge, elle a une canne et fait un peu vieille fille affranchie, et Lily est toute en noir. Clémentine est aussi tout en noir avec un voile sur le visage. Elle est assise et a quelques sanglots et hoquets.

 

 

LILY – Il n’y avait pas beaucoup de monde à l’enterrement, pourtant il était connu, Paulin.

 

FLEUR – Connu, peut-être, mais les gens aujourd’hui, ne se dérangent pas pour un employé fût-il maître d’hôtel. Et tu as vu la mère Duchemin, le regard qu'elle m'a lancé : Oh ! Mais vous n'êtes pas en noir, quelle peste !

 

LILY ( moqueuse ) - Faut dire, ton tailleur ! Moi je l’aimais bien, Paulin, il nous a connu toute jeune, il nous a bercé, tenu dans ses bras c’est presque un père pour moi.

 

FLEUR – Faut pas exagérer non plus, il commençait à se faire vieux le Paulin, il ne bougeait plus beaucoup, il était mûr pour l’hospice.

 

Hoquet de Clémentine. A chaque hoquet Fleur jette un regard sur Clémentine en levant les yeux au ciel visiblement agacée.

 

LILY – Comment peux-tu parler ainsi de lui, tu es sans cœur !

 

FLEUR – Sans cœur, réaliste oui, il y a une nuance. Mais tu as vu l’ambiance pendant l’office, c’était vraiment un enterrement, j’ai presque fait un malaise.

 

LILY ( moqueuse) – Toi ! Un malaise ! Moi ce qui m’a choqué c’est en sortant de l’église, ce chariot sur lequel il était posé, avec cette roue qui crissait, couic, couic, couic, ce bruit me glaçait le cœur, jusqu'à ce que l’employé des pompes funèbres remarque que le cercueil touchait la roue.

 

FLEUR – Par contre, l'idée de le mettre dans notre caveau, c'est toi qui a signé l'autorisation, est parfaitement ridicule. ( Nouveau hoquet de Clémentine.)

 

LILY- Pourquoi ? Tu as peur de ne pas avoir assez de place.

 

FLEUR – Non, mais les gens vont jaser. Enfin c’est terminé, la vie continue, de toute façon,

( regarde sa montre ) à l'heure qu'il est, il a fini de fumer notre Paulin. (Hoquet de Clémentine.)

 

LILY – Mais qu’est-ce que tu racontes, il ne fumait pas dans la maison et ne touchait plus une cigarette depuis un mois.

 

FLEUR – Mais qui te parle de la maison ? Je te parles du crématorium, il ne reste plus qu’un tas de cendres de notre Paulin, donc il a fini de fumer. ( Hoquet de Clémentine. Fleur s'adresse à elle visiblement exaspérée. Coup de canne rageur de Fleur. ) Mais elle n'a pas bientôt fini avec ses hoquets celle-là, si vous croyez que çà va le ramener, sans compter que vous n' arrêtiez pas de vous houspiller !

 

CLEMENTINE – Douze ans, douze ans qu'on était ensemble à vous servir, à supporter vos sautes d' humeurs ce n'est pas rien.

 

LILY ( va auprès de Clémentine et la serre dans ses bras. ) – Ma chère Clémentine je suis de tout cœur avec toi, mais pleurer ne sert plus à rien, va plutôt te changer, et prépare-nous un thé.

 

CLEMENTINE – Bien Madame. ( Elle sort en jetant un regard noir à Fleur. En aparté ) C'est une fleur empoisonnée.

 

LILY – Ta façon de présenter les choses en parlant des cendres de Paulin est horrible, tu n’as aucune humanité, tu es sans cœur.

 

FLEUR – Trop sensible, ma petite sœur est trop sensible, mais c’est la triste réalité, Lily. Au fait tu n’as pas encore décidé si tu voulais te faire enterrer ou incinérer ?

 

LILY – Après ce que tu viens de dire, je préfère me faire enterrer, c’est moins brutal.

 

FLEUR – Pour moi, ce sera le four, une petite heure au feu et on n’en parle plus, tu te retrouves au sec dans une petite urne, c’est sympathique.

 

LILY – Je ne veux pas en entendre parler, ça m’angoisse.

 

FLEUR – Tu as le choix, mais tu préfères l’agonie lente, être mangée petit à petit par ces petites bestioles, ce sont des vers ou des asticots, les deux peut-être, ils vont se régaler. Et être mouillée quand il pleut, gelée quand il fait froid, non merci très peu pour moi.

 

LILY – Mais tu es folle nous avons un caveau, il est sec et bien entretenu.

 

FLEUR – Tu veux donc dessécher comme une vieille momie, pour qu’on t’exhibe dans mille ans, tu m’en ferais une belle de momie tiens !

 

Sur ces entrefaites Clémentine est revenue, elle est changée mais a gardé le voile sur la tête, elle a entendu la réflexion de Fleur. Elle a un ton assez libre avec ses patronnes, et tient avec Lily.

 

CLEMENTINE – Toujours en train de se houspiller, décidément, il y en a qui ne méritent pas leur prénom, les fleurs sont censées être douces, ce qui n’est pas le cas ici.

 

FLEUR – On ne vous a pas sonnée que je sache, vous interrompez une discussion très intéressante, mais c'est quoi ce voile, vous n'allez pas le garder, c'est un motif de licenciement.

 

CLEMENTINE – Je garde ce que je veux, on n'est pas dans une dictature, bien que parfois...

( En regardant Fleur. ) Au lieu d'une momie vous allez avoir une visite, votre nouveau valet qui arrive dans cinq minutes l’agence a téléphoné.

 

FLEUR – Vos allusions, vous pouvez les garder pour vous, mais voilà une bonne nouvelle, ils n’ont pas dit son âge ?

 

CLEMENTINE - Pour un valet, l’âge n’est pas très important.

 

FLEUR – D’abord, une petite précision, j’ai stipulé qu’on cherchait un maître d’hôtel, il y a une nuance.

 

CLEMENTINE - Je n’en vois pas, mais j’espère que ce valet que vous appelez maître va descendre deux fois par jour de son hôtel pour recharger la chaudière. Depuis un mois je me coltine 4 seaux de charbon par jour, alors que j’ai été embauchée comme cuisinière blanchisseuse et non pas comme chauffeuse. D’ailleurs, je vous ferais remarquer qu’il existe des chaudières qui marchent au gaz, mais le confort n’a pas encore frappé ici.

 

LILY – Ne t’inquiètes pas Clémentine, nous sommes le quinze avril et la chaudière sera arrêtée le premier mai. Dés que le nouvel employé arrive tu nous l’amènes, d’accord ?

 

CLEMENTINE - Vous avez l’art d’escamoter les discussions madame Lily et je me fais avoir à chaque fois. Bon dès qu’il arrive, je l’amène. ( Elle sort.)

 

FLEUR – Je trouve que notre cuisinière devient de plus en plus effrontée, il va falloir lui mettre les points sur les i !

 

LILY – Je m’en charge, mais elle a raison sur le fond, on va remplacer cette chaudière.

 

FLEUR – Tu ne vas pas céder aux caprices d’une bonne, avec le nouveau maître d’hôtel les choses vont changer.

 

LILY – Elles auraient déjà dû changer il y a trente ans mais hélas, j'ai raté l’occasion.

 

FLEUR – Et voilà, voilà ! Ma sœur qui remet ça, tu fais bien de dire que c’est toi qui a raté l’occasion, qui n’était d’ailleurs pas si bonne que cela, c’était un piège.

 

LILY – Je regrette de t’avoir écouté, je serais heureuse aujourd’hui, avec peut-être des enfants, une vie remplie de bonheur.

 

FLEUR ( ponctue chaque phrase d'un coup de canne sur le sol ) – Là, tu te fais des films, et depuis trente ans, chaque semaine tu remets cette vieille histoire sur le tapis, l’amour de ta vie, ce bellâtre, un escroc, oui ! D’ailleurs ta bague à trois diamants a disparu en même temps que ton amoureux.

 

LILY – Ce n’était pas un bellâtre et je reste persuadée qu’il y a une autre explication.

 

FLEUR – Que tu ne connaîtras jamais, ma fille. Je vais me changer, accueille le candidat mais ne décide rien sans moi. Nous devons faire très attention. ( Elle sort.)

 

LILY ( fait une grimace )- C'est cela, c'est cela, s'il me plait je l'embauche . (Coup de sonnette.)

 

CLEMENTINE ( entre) – Monsieur JEAN Gabin.

 

C’est un homme d’une cinquantaine d’année très distingué, il est très classe. Lily est très surprise et même émue.

 

LILY – Euh ! Bonjour monsieur... Gabin, vous avez pu vous libérer rapidement.

 

GABIN – Oui, Madame, permettez-moi de vous présenter mes respects et de vous assurer de mon plus grand dévouement, si vous décidiez de m’embaucher.

 

LILY – Bonjour monsieur, vous avez un nom archiconnu, vous êtes parent avec l’acteur ?

 

GABIN – Pas du tout, madame, on me le demande souvent, mais dans mon cas Gabin est mon prénom et Jean mon nom de famille.

 

LILY ( a l’air très troublée)– Ah ! Gabin est votre prénom ? Je suis en tout cas heureuse que vous ayez pu vous libérer si rapidement.

 

GABIN – J'ai amené des lettres de recommandation.

 

LILY – Vous avez des lettres de recommandation ? Ma sœur voudra les voir.

 

GABIN – Je la comprends, de nos jours il faut prendre ses précautions pour savoir à qui on à faire. J’ai ici une lettre de ma dernière patronne madame la baronne de Crin d’Acier, et celle du précédent employeur, monsieur le marquis de Fraissy. ( Il les tend à Lily .)

 

LILY – Nous les lirons plus tard, nous allons vous prendre à l’essai, Clémentine va vous montrer votre chambre.

 

CLEMENTINE - Je lui donne la chambre de Paulin ?

 

LILY – Non, donne-lui plutôt la chambre bleue.

 

CLEMENTINE – Il va y avoir du grabuge, c'était la chambre de Madame Fleur.

 

LILY – Quel grabuge ? Elle a quitté cette chambre, il y a vingt ans au moins, mais le matelas est meilleur.

 

GABIN – Je n'ai pas mal au dos, mais je vous remercie de votre sollicitude.

 

LILY – A la bonne heure, vous verrez cette chambre est très lumineuse et ma foi assez grande. Clémentine, emmenez monsieur Jean à sa chambre.

 

CLEMENTINE (moqueuse ) - Venez avec moi, Jean Gabin, je vais vous montrer votre suite. Je vous préviens elle est un peu poussiéreuse, dame, il y a douze pièces dans cette maison, la poussière s’accumule, s’accumule, il faudrait avoir dix bras.

 

GABIN – Je vous suis, Clémentine, Madame, mes respects. ( Ils sortent.)

 

LILY – Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai eu un choc en voyant ce monsieur, une impression de déjà vu, je ne m'explique pas mon trouble, Fleur se serait encore moqué de moi. ( Entrée de Fleur.)

 

FLEUR – Alors ce maitre d'hôtel, il tient la route ?

 

LILY – Il m'a laissé une bonne impression, très professionnel, poli discret.

 

FLEUR – Cela ne m'impressionne pas, où sont les lettres de recommandation ?

 

LILY - Les voici. Mais je suis sûre qu'il va faire l'affaire.

 

FLEUR – Que tu crois. Je vais vérifier tout de suite les compétences de notre futur maître d’hôtel. Voyons voir, la baronne Crin d’Acier, c’est avec regret que j’ai vu le départ de monsieur Jean, mais nous avons été obligés de nous en séparer, nous partons pour l’Afrique du Sud et il n’a pas voulu être du voyage. Je le recommande pour toutes ses qualités, compétence, politesse, discrétion et efficacité. Ah ! Il y a un numéro de téléphone, on va voir si tout cela est vrai.

 

LILY - Mais cette lettre m’a déjà convaincue, pourquoi téléphoner ?

 

FLEUR ( qui a déjà fait le numéro) - La méfiance ma fille ! Tout le monde peut se faire une lettre de recommandation. Allô, je suis chez la baronne Crin d’Acier, je peux lui parler ?

 

LILY – Mets le haut-parleur !

 

FLEUR – Elle n’est pas là ? (on entend une voix nasillarde.)

 

Tél - Madame la Baronne est absente elle prépare son voyage.

 

FLEUR – Vous êtes qui ?

 

Tél- Je suis la bonne.

 

FLEUR – Vous avez connu monsieur Jean ?

 

Tél- Oui, un gentil monsieur, il est parti, c’est dommage madame l’aimait bien, serviable et tout et tout !

 

FLEUR – Merci beaucoup, au revoir.( Elle raccroche ) Bon, ce n’est pas négatif, on va voir le marquis maintenant.

 

LILY – Mais c’est inutile, j'ai vu tout de suite qu'il était compétent et je ne me trompe jamais.

 

FLEUR – Bien sûr on a vu cela, mais je ne crois que ce que j’entends. ( Elle a fait le numéro).

Bonjour, le marquis de Fraissy s’il vous plait, ah ! C’est lui-même. Nous voudrions des renseignements sur monsieur Jean, votre ex-employé.

 

Tél ( voix masculine un peu haut perché) – Ah ! Gabin, quel homme admirable, stylé, charmant, quel bel homme, très bel homme, mais il se sentait à l’étroit chez moi, si jamais il décidait de revenir je le reprends tout de suite, vous pouvez le lui dire.

 

FLEUR – Nous lui en parlerons, merci monsieur le marquis au revoir.( Elle raccroche). Ce marquis a un ton bizarre et une voix de castrat, je dois admettre que tout cela est positif, mais nous demanderons à Gabin pourquoi il a quitté cette place.

 

LILY ( se lève et avec emphase ) – Qu’importe les raisons, moi il me convient déjà, il fera l’affaire, j’en suis sûr.

 

FLEUR –Quel enthousiasme ! Ne t’emballes pas trop vite, on sait ce qui arrive dans ce cas là.

 

LILY – Ne vas surtout pas le mettre mal à l’aise avec des questions trop personnelles.

 

FLEUR – Je lui pose les questions que j’estime nécessaires, pour savoir à qui on a affaire.

 

LILY – Que veux-tu savoir encore ?

 

FLEUR ( chaque mot est ponctué d'un coup de canne ) – Un maître d’hôtel doit être irréprochable, non buveur, non joueur, non coureur, non fumeur, propre sur lui, poli discret et pas trop gourmand sur son salaire !

 

LILY – Arrête avec ta canne ! Tu veux un saint quoi !

 

FLEUR – Presque, le fait de pouvoir travailler pour notre famille est une chance qui se mérite.

 

LILY – Un homme avec toutes les qualités que tu recherches n’existe pas ou il est déjà pris.

 

 

FLEUR – On verra bien, mais, je voudrais être seule pour le cuisiner.

 

LILY – Comme tu veux, je vais me changer, mais si par hasard tu le dégoûtes de rester ici, tu vas m’entendre, je vais sortir mes griffes.( Elle se lève récupère la canne de Fleur posée contre la table. )

 

FLEUR – Mais qu’est-ce qui te prends ?

 

LILY – ( imite sa sœur avec la canne. ) Ce qui me prend ? Mais c’est toujours toi qui commande ici, tu décides de tout, je suis excédée, tu entends, excédée !

 

FLEUR – Mais tu es incapable de prendre une décision ma pauvre fille, si on t’écoutait on serait où ? Dans la rue, tu aurais distribué notre fortune acquise si durement par nos parents, voilà où on serait ! Dans la rue ! Et rends moi ma canne !

 

LILY – Dans la rue ! N'importe quoi !Une chose est sûre, je serais heureuse avec un mari et des enfants…Et je ne serais pas obligée de supporter ta canne et ton sale caractère !

 

FLEUR – Ca y est elle en remet une couche de pathos, avec son bellâtre qui l’aurait dépouillé si je n’avais pas été là.

 

LILY – Que viens-tu de dire avec, si je n’avais pas été là ? ( Elle s'avance menaçante vers Fleur avec la canne. )

 

FLEUR – Et bien, et bien ! C’est quand même moi qui t’es consolée, quand il est parti !

 

LILY -   Tu as dit, si je n’avais pas été là, qu’entends-tu par là ?

 

FLEUR – ( décontenancée) Mais rien de plus que …( Entrée de Clémentine)

 

CLEMENTINE - L’orage gronde, on entend le tonnerre depuis la cuisine, on se demande où l’éclair va frapper !

 

FLEUR ( soulagée )- Je crois que l’orage est passé, Lily est un peu nerveuse ce soir.

 

LILY ( vindicative ) – Ne crois pas t’en tirer à si bon compte, tu me dois une explication, et pour ce qui est de monsieur Jean, je t’ai prévenu. ( Elle sort en laissant délibérément tomber la canne.).

 

CLEMENTINE (étonnée et qui n’a jamais entendu Lily parler de cette façon)- Il y a vraiment de l’orage ici, mais quelle mouche a piqué madame Lily ?

 

FLEUR – Ramassez ma canne ! Oh ! Ne vous en mêlez pas, demain ça ira mieux, c’est l’enterrement de Paulin qui l’a énervé.

 

CLEMENTINE ( relève la canne.) - Pauvre Paulin, énerver les gens c’était pas son genre, toujours est-il que son remplaçant est prêt à servir Madame.

 

FLEUR – Il peut venir tout de suite.

 

CLEMENTINE - J’espère qu’il pourra bientôt se présenter lui-même, j’en ai marre d’annoncer des valets, et n’oubliez pas le charbon.

 

FLEUR – Le charbon ?

 

CLEMENTINE - Le charbon dans la cave, vous vous rappelez ?

 

FLEUR ( excédé ) – Oh ! Tu ne vas pas m'énerver toi aussi, alors ne pousse pas le bouchon trop loin Clémentine, ma patience a des limites.

 

CLEMENTINE - Mon dos aussi, il est tout courbaturé, mais vous vous en foutez de mon dos.

 

FLEUR – J’en ai plein le dos de ton dos, envoies-moi donc monsieur Jean et que ça saute !

 

CLEMENTINE ( en sortant en aparté)- Cette fleur est vénéneuse. ( Entrée de Gabin, vêtu d’un gilet et pantalon rayé).

 

GABIN – Madame, vous m’avez mandé ?

 

FLEUR – Oui, monsieur, êtes-vous bien installé ?

 

GABIN – Oui madame, ma chambre est correcte, mais je voudrais avoir un peu de temps pour m’organiser.

 

FLEUR – Bien sur mais vous avez dit correcte ?

 

GABIN – Oui, chez le marquis de Fraissy j’avais une petite suite, mais que madame se rassure, cette chambre me convient tout à fait.

 

FLEUR – Très bien, je voulais vous mettre au courant des usages de la maison, nous recevons parfois des invités, j’espère que vous avez l’habitude de ce genre de réception, avec des gens distingués.

 

GABIN –  Madame peut me faire confiance, j’ai assuré des réceptions chez madame la baronne de Bois d’Acier, avec plusieurs dizaines voir centaines d’invités.

 

FLEUR – Nous n’irons pas aussi loin, mais les personnes que nous invitons sont triées sur le volet, et nécessitent beaucoup de discrétion, de tact, avec un habillement ad hoc.

 

GABIN – J’ai un habit de cérémonie, taillé par un couturier, qui devrait convenir sans problème.

 

FLEUR – Nous attendons aussi de nos employés qu’ils soient sobres, polis, honnêtes, droits, non joueurs, et qu’ils sachent rester à leur place.

 

GABIN – Madame, je suis confus mais en toute modestie, je crois avoir toutes ces qualités qui sont demandées par tous les employeurs.

 

FLEUR – Une dernière question, pourquoi avez-vous quitté le service du baron de Fraissy qui avait l’air de vous avoir en haute estime.

 

GABIN – Ah ! Vous avez téléphoné ? A vrai dire, monsieur le baron recherchait des services spéciaux qui ne rentraient pas dans le cadre des attributions d’un maître d’hôtel.

 

FLEUR – Des services spéciaux ?

 

GABIN – Oui, des services à la personne, très intimes, voyez-vous il était très gay.

 

FLEUR – Très gay ? Voyez- vous çà. Bon, vous n’aurez pas ce problème ici, je vais me rafraîchir, profitez-en pour vous habituer à la maison, nous avons une invitée qui vient dans l’après-midi, vous pourrez nous servir le thé. Et voyez aussi Clémentine. Dans votre fonction de maître d’hôtel vous serez amené à lui donner des directives, elle est parfois un peu, comment dirais-je, brut de décoffrage, c'est cela ! ( Elle sort en oubliant sa canne ).

 

GABIN – Brut de décoffrage ! Elle ne va pas m'obliger à faire le maçon tout de même. Mais je sens que tout ceci va me plaire, on va être cool, mais commander à Clémentine !

 

Entrée de Clémentine par la cuisine, elle a entendu la conversation.

 

CLEMENTINE - Alors tu vas être mon chef, hein ! Si tu ne me marches pas sur les pieds, on va pouvoir s’entendre. Je t’avais dit que La Fleur était un peu spéciale, tout le contraire de Madame Lily.

 

GABIN – Tu as écouté à la porte ?

 

LILY – Ne me dis pas que tu n’écoutes jamais aux portes, tu serais le premier. Mais dis-moi, ton patron précédent, le baron, il était de la jaquette, il pédalait ?

 

GABIN – Dans la semoule Clémentine, dans la semoule. C'est vrai que, les personnalités que ces dames reçoivent sont très distinguées ?

 

CLEMENTINE - Faut voir, le seul vraiment distingué est Maître Choubiz le notaire, il drague La Fleur sinon il y a madame Linette Graissedoy la femme du charcutier, une blonde, qui joue à la vedette, ah ! J'oubliais, Il y a aussi Monseigneur Lapince, mais il ne vient qu’une ou deux fois par an. Et Charles l’écrivain, qui fait les doux yeux à madame Lily sans succès. Et j’oubliais le cousin Martin et la cousine Gisèle, mais eux viennent pour le pognon.

 

GABIN – Mais pourquoi elle m’a demandé de me mettre en frac ?

 

CLEMENTINE ( riant) - La Fleur a demandé que…Mais c’est pour épater la galerie et surtout Linette, ils sont en concurrence, a qui épatera l’autre.

 

GABIN – Mais pourquoi appelles-tu notre patronne La Fleur ? Tu ne crains pas de te faire virer ?

 

CLEMENTINE – C’est tout simple, un jour elle se trouvait dans le jardin avec Maître Choubiz, elle a glissé et a chuté dans un massif de roses, et Maître Choubiz s’est exclamé oh ! La Fleur parmi les fleurs, c’était d’un drôle, sauf que j’ai dû lui enlever les épines du rosier sur la partie la plus charnue de son anatomie, son cul quoi, avec une pincette. Mais il faut se méfier, cette Fleur a gardé des épines, heureusement qu’il y a madame Lily, elle compense et me protège, c’est ma sainte patronne.

 

 

ET et, et,

Voilà, si vous voulez lire le reste de ma pièce, envoyez-moi un mail à l’adresse suivante et je me ferai un plaisir de vous envoyer le texte complet. Si vous avez des questions concernant la mise en scène, ou les accessoires je suis à votre disposition.

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